Jacob SHER
(1934-1999)
Observateur d'un troisième principe d'organisation sociale
à l'intérieur de la voie pluraliste:
Le principe ergoniste d'autodétermination des individus et des groupes par la propriété directe (différent de l'autogestion auxiliaire du socialisme).

Biographie :



Jacob SHER est né en 1934, dans la famille d'un photographe, à Wilno, ville polonaise annexée par l'URSS en 1939. Sa mère et lui passent les années de guerre en Russie, au nord de Stalingrad. Après la démobilisation de son père, ils retournent à Wilno, rebaptisée Vilnius et devenue capitale de la Lituanie soviétique. En 1956, il obtient le diplôme d'ingénieur-électricien à l'Institut polytechnique de Léningrad et travaille dans une usine électrotechnique à Vilnius.



En 1957, la famille émigre en Pologne, et il travaille comme électricien dans la mine de charbon "Victoria" à Walbrzych (Silésie), chargé de l'entretien au fond de la mine, chef de la section de traction électrique et ingénieur-projeteur, en attendant l'autorisation de partir en Israël.
Après trois années d'attente, en 1960, les abords de Tel-Aviv les accueillent, et Sher entre aux Chemins de fer comme ingénieur des télécommunications et de la signalisation. A la tête de 14 techniciens, il est responsable de l'entretien, de la réalisation de barrières automatiques de passage à niveau, de centrales téléphoniques automatiques, de réseau de téléphone et de radios. En 1964, il arrive à Paris, croyant y passer quelques mois, et y reste, amoureux de cette ville. Le temps d'apprendre la langue et de retrouver l'emploi d'ingénieur, il travaille comme ouvrier, agent technique, technicien et projeteur à la Compagnie de Construction Mécanique Sulzer, la Compagnie Electro-Mécanique, et la société "La Voiture Electronique". Dans l'agitation de Mai 1968, qu'il observe dans les lieux et les moments les plus chauds, il repère des phénomènes qui ne se laissent pas enfermer dans le schéma habituel "gauche - droite". Il en déduis alors l'existence d'un troisième principe de société, principe qu'il nomme "ergoniste" (du mot grec ergôn - travail), et dont l'incarnation est le travailleur, maître (ou copropriétaire) du capital qu'il emploie, et non pas salarié d'un patron ou de l'Etat. Ses idées sont résumées dans le livre Où aller?, écrit en russe et publié en 1971. La quasi-totalité du tirage a été envoyée clandestinement en URSS. Au chômage pendant un an, il prend le temps de lire et d'anoter les trois tomes du Capital de Marx en russe. Afin d'avoir du temps libre pour ses études et recherches, Jacob Sher abandonne la carrière d'ingénieur et devient, en 1973, traducteur technique indépendant. Pendant trois années, il fréquente les séminaires de l'Ecole pratique des hautes études.
Naturalisé Français, il se marie en 1975 et devient père de deux étudiants.
Fin 1982 sort, en français, son essai Changer les idées(éd. Rupture) analysant la nature du socialisme et la confrontation du collectivisme avec les sociétés pluralistes dans laquelle au moins trois "armées" se disputent le champ des idées et des forces sociales: socialiste, capitaliste et ergoniste.
Entre 1983-1994, il se consacre presque à plein temps, à ses recherches sur l'origine (congénitale) de la monstruosité du socialisme. Leur résultat est le manuscrit Enquête sur le socialisme, sous-titré: Énigme d'un Idéal engendrant des monstres. Avec l'aide d'un bon millier de magnifiques citations de penseurs du passé, il y démontre que la naissance des socialismes de goulag était un effet normal et parfaitement prévisible de la nature collectiviste du socialisme, et nullement celui des conditions défavorables de sa naissance. En 1993-1994 la revue moscovite Recherches philosophiques (filosofskie isledovanie) publie trois de ses essais (24, 15 et 26 pages denses), inspirés des thèmes de son livre et intitulés La Russie est-elle coupable? (n°1 de 1993), Russie: Orient ou Occident? (n°2 de septembre 1993), et Y a-t-il une troisième voie? (n°1 de 1994). Presque tout l'article Socialisme de la nouvelle Encyclopédie philosophique abrégée, parue à Moscou en 1994, est une copie (illicite...) de sa définition du socialisme, élaborée dans la première de ces études. Celle-ci a été reproduite dans la presse à grand tirage. Les éditions russes ROSSPEN publient fin 1998 le recueil Trois questions russes, 120 pages qui regroupent ses précédents articles, avec en prime un dialogue entre le jeune philosophe Rakhmat Moukhamadiev et l'auteur, qui signe l'article « Ergonisme ou pluralisme ? Réponse à un partisan de l'ergonisme pur » (décembre 1994). Jacob Sher écrit des lettres avec ses articles en russe à des spécialistes comme Alain Besançon, Michel Heller, Nikita Struve, Georges Nivat, Nicolas Werth, Vladimir Boukovsky, Andre Siniavsky, Alexandre Soljenitsyne, Alexandre Zinoviev, Françoise Thom et Mme Carrère d'Encausse, afin d'échanger des points de vue. Vladimir Boukovsky et Alain Besançon ont l'amabilité de lui répondre. En 1998, il termine les préparatifs de publication avec introductions (en russe et en français) de deux livres prophétiques du siècle dernier: l'un d'Adolphe Franck, philosophe français, et l'autre d'Eugen Richter, leader du parti progressiste allemand et principal opposant à Bismarck, qui avaient prédit, en 1848 et 1891, avec une justesse d'analyse extraordinaire et des détails d'une précision époustouflante, les désastreuses conséquences de l'application massive, même à l'état pur, des idées socialistes.
Jacob Sher s'éteint le 19 novembre 1999, la respiration interrompue des suites d'une tumeur au cerveau qui s'est manifestée 13 mois plus tôt par une double crise d'épilepsie alors qu'il lisait tranquillement dans une bibliothèque.
Jacob Sher était d'un naturel très sociable et affable, jusqu'à engager aimablement la conversation avec des vendeurs, caissières, postiers, etc. sa manière à lui d'alléger un peu leur travail.
Il défendait ses idées avec passion, mais sans agressivité, et non sans une certaine dose d'humour.
Est-ce en raison du caractère dense et trop compréhensible de son français (dont il savait qu'il avait besoin d'un coup de peigne), de son écriture méthodique d'ingénieur de formation, de sa grande franchise sortie des fibres de sa sensibilité, et de ses discussions avec son père communiste, de ses traits d'esprit d'ancien ressortissant soviétique interrogé par le KGB en Lituanie dès l'âge de 16 ans, ou est-ce parce que le mur de la Honte était encore debout dans les têtes que ses oeuvres se heurtèrent souvent à l'indifférence et au mépris des éditeurs ?
A vous d'en juger.

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