Jacob SHER *



COMMENT STOPPER LES RACISTES?

Réflexions d'un ex-immigré




Ce que l'on désigne comme racisme relève la tête en Europe, c'est indéniable. En France, l'audience du Front national, où les racistes ne manquent pas, grandit, malgré la farouche résistance de tous les autres partis. Toute l'élite intellectuelle déploit dans les media une campagne énergique contre le Front xénophobe. Et rien n'y fait... Le Pen avance... Seul contre tous... Son Front devient de plus en plus ouvrier, populaire...

Pourquoi donc les arguments des antiracistes patentés et diplomés ne persuadent pas le peuple? Enigme... Ne faut-il pas chercher quelques erreurs dans les arguments et dans la stratégie des antiracistes, et quelques vérités dans le camp opposé? Si les antiracistes avaient tout à fait raison, et Le Pen tout à fait tort, sa cause ne serait entendue que par une maigre minorité de détraqués. L'histoire tragique du 20e siècle nous enseigne, un peu tard, que les tragédies se produisent quand les démocrates font des erreurs au moment où les démagogues fondent leurs succès sur le détournement de quelques vérités. Lénine, Staline, Hitler, Mao, Pol Pot, Castro et maints autres Guides-du-peuple avaient réussi à entraîner les masses moins par de seuls mensonges nus et repoussants, que par des demi-vérités et quelques vérités indéniables, dont ils tiraient, ou suggéraient aux masses, de fausses conclusions "scientifiques". En dénonçant les vrais défauts et malheurs de l'imparfaite société pluraliste (imparfaite, comme tout ce qui est réel), dont le fondement est l'individu libre et responsable, ils proposaient une société monolithique "idéale" de Bonheur commun que l'on atteint par le remède-miracle : la dissolution de l'individu dans la masse à l'échelle d'une nation (national-socialisme) ou à une échelle plus large (international-socialisme). La première idéologie proclamait la supériorité absolue d'une race, la seconde - celle d'une classe et, au nom de l'égalité absolue, niait toute différence entre les peuples et visait l'effacement final des races, peuples, frontières ("Les prolétaires n'ont pas de patrie", disait Marx, et pour les antiracistes gauchistes le mot patrie est devenue une injure; Lénine a confirmé, en février 1916, qu'après la collectivisation, "le but du socialisme" sera "le fusionnement des nations"). Les deux conceptions extrêmes de la politique nationale ont conduit aux catastrophes nationales. Les deux variantes de "socialisation des hommes" (c'est ainsi que Hitler a défini son programme) se sont avérées des remèdes pires que toutes les maladies de la société pluraliste. Les conséquences des deux idéologies d'irresponsabilité de l'individu étaient semblables : règne d'une mafia des "surhommes", régimes concentrationnaires et sanguinaires, esclavage et déportation des individus et des peuples. Nous en récoltons encore la moisson empoisonnée de haines, guerres, misères et idées trompeuses.

Les leçons de cette Histoire tragique doivent nous servir dans la résolution des problèmes de notre temps, où maintes nations opprimées ont repris leur destin en main et la question nationale a retrouvé son ancienne actualité. Mais nous ne devons pas oublier, que nous vivons dans un monde différent, en mutation de l'âge du charbon à celui du silicium, et le racisme actuel est d'une nouvelle nature. Il semble que nos antiracistes l'oublient et continuent d'appliquer leurs schémas d'un autre âge, se croyant vivre encore à l'époque, où la vague brune, répondant à la vague rouge, portait au pouvoir Hitler et Mussolini.

On définit d'habitude le Front national comme organisation raciste copiée sur un vieux modèle nazi, et on assimile Le Pen à un nouveau Hitler. Suite à cette archaïque analyse d'une réalité nouvelle, les antiracistes ressortent de leur arsenal les vieilles armes antinazies. Pour arrêter la progression du FN, qui se nourrit des problèmes nés de l'immigration (ce qui n'était pas le cas du nazisme), non seulement ils nient la nouveauté du problème, mais ils nient l'existence même du problème! Ils bombardent le Front, depuis une quinzaine d'années, avec ces arguments lourds :

- il n'y a ni supériorité, ni différence entre les races;
- selon les plus ardus, tout simplement les races n'existent pas;
- l'immigration actuelle en Europe ne pose aucun problème grave, elle est un simple bouc émissaire, n'est responsable de rien et ne doit rien changer dans son comportement;
- donc les réactions de réprobation à son adresse n'ont aucun fondement, et les gens qui l'expriment ne méritent que le mépris - ce sont des calomniateurs, des racistes, des fascistes, autant que Le Pen, au mieux, des aveugles...

Hélas, le résultat d'un tel bombardement est nul... L'audience du FN grandit, le peuple déserte le camp antiraciste... Car le problème, qui "n'existe pas", ne cesse de gonfler... Les obus manquent la cible... Le Front nationaliste nie être raciste, en tout cas il ne défend nullement le racisme dans le sens hitlérien, comme droit ou obligation d'une nation "supérieure" à dominer et à soumettre, sinon à exterminer, les autres peuples. Après l'écrasante défaite en 1945 de ce racisme cannibale, il n'a d'adeptes que parmi quelques groupuscules de misanthropes. Le FN parle seulement de réduction du nombre d'immigrés (et maintes démocraties, nullement racistes, réalisent ce but). Il ne propose pas de solutions étatistes non plus, il prône plutôt la réduction du "fiscalisme", de l'assistanat et de l'intrusion de l'Etat (sauf dans le domaine de la sécurité civile, où l'Etat, en effet, ne joue pas son rôle). Voir donc dans le FN une simple résurrection du national-socialisme est une première erreur de ses adversaires. Sa diabolisation produit l'effet de boomerang, transforme FN en victime de calomnies. Il est plus fondé de reprocher au FN une forte dose de xénophobie, ses solutions abruptes et archaïques, la présence de racistes dans ses rangs. Mais là aussi, les obus des antifrontistes n'arrivent pas à abattre l'adversaire. Car ces obus sont truffés d'erreurs, et non pas d'explosifs.

Commençons par examiner l'argument définitif des antiracistes : les races humaines n'existent pas... Si c'est vrai, si l'on réussit à le prouver, il suffit de rayer le mot du vocabulaire, et le racisme, dit-on, disparaîtra avec lui... Mais comment le prouver? Un enfant peut constater ce fait évident : comme parmi les chiens ou nos cousins les singes, comme dans tout l'étendu du monde animale et végétale, il existent parmi les hommes des races, sous-races, types, variétés, et on distingue d'un coup d'oeil un chinois d'un nigérien ou d'un hollandais. Pour nier l'évidence, les idéologues de l'antiracisme (qu'il faut distinguer des antiracistes vrais) avancent ce seul argument : les scientifiques n'ont pas trouvé le gène qui définit la couleur de la peau, la forme des yeux, etc. C'est vrai, ils n'ont pas encore trouvé cette aiguille dans l'immense tas de foin peu exploré du code génétique humain (d'ailleurs, pour les races canines, non plus)... Les nouveau-nés l'ignorent et s'entêtent à hériter les traits caractéristiques de race. Donc ces traits se transmettent tout de même par ce code, et pas autrement, malgré les protestations des savants antiracistes...

La négation de l'existence de races, c'est du racisme inavoué, un aveu de faiblesse. Car ainsi on manifeste une crainte qu'en acceptant cette existence, en constatant les différences, on sera obligé d'admettre des arguments racistes... Comme si appartenir à une race serait une honte... Et comme si la haine raciste, bien plus ancienne que la biologie, avait son origine ou sa justification dans la distinction biologique... Nier l'existence des races n'est pas seulement absurde, c'est insultant. Osera-t-on dire à un Noir, fier de l'être, que sa race n'existe pas? Je ne vois pas de grande différence entre un antisémite et un "antiraciste" qui voudrait me prouver que ma sous-race (sémite, celle qui réunit les descendants juifs et arabes d'Abraham) est liquidée par la science... Je me demande, lequel des deux liquidateurs de ma race est plus dangereux, plus efficace, car il est impossible d'anéantir physiquement toute une race, mais on peut le faire intellectuellement, en lui déniant toute individualité, toute originalité. Avec le même argument ("il n'y a pas de gène de judaïté"...) on dira demain que non seulement la race sémite en général, mais le peuple juif en particulier n'a pas le droit à l'existence. C'est exactement cela que le 22 octobre 1903, bien avant Hitler, avait proclamé Lénine, le maître à penser de certains antiracistes. Pour lui, "l'idée d'un peuple juif particulier" est "scientifiquement insoutenable" et "politiquement réactionnaire".
Si les races existent, on pourrait se demander si elles sont égales. Hélas, la réponse est difficile, puisque à l'intérieur de chaque grande race règne une telle disparité, variété, richesse de traits et de cultures, qu'une estimation globale est hardie. Même les racistes diplômés ne parlent que rarement de supériorité d'une race entière sur les autres. Le penseur français Gobineau, principal théoricien du racisme, prétendait prouver la supériorité biologique non pas de tous les Blancs (en majorité dégénérés, selon lui), non pas de quelques peuples entiers, mais uniquement de survivants "purs" (blonds aux yeux bleus de la zone autour de La Manche) de la mythique "race aryenne" d'origine indo-iranienne. Le raciste-modèle Hitler a interprété Gobineau à sa manière, en déclarant le peuple germanique (fabriqué d'un mélange de petits peuples divers, y compris slaves) comme une incarnation de la race aryenne pure, mais il n'excluait pas les anglo-saxons de cet Olympe des peuples-dieux. Sa haine et son mépris s'adressaient surtout aux autres peuples "dégénérés" de la même race blanche - aux peuples latins, slaves et surtout au peuple juif, mais autant aux Allemands opposants. En réalité, le racisme sélectif de Hitler était plutôt un masque "scientifique" du monstrueux appétit de domination, puisque le Führer pliait sa théorie aux besoins de la conquête. Il mènera la guerre aux "aryens" anglo-saxons et scandinaves, s'alliera avec l'Italie latine, la Bulgarie slave, l'Iran musulman, le Japon de race jaune, etc. Seuls les Juifs, ces "assassins" de Dieu (immortel, ressuscité...), les boucs émissaires commodes, voués à jouer le rôle des sous-hommes parfaits, ne profiteront d'aucune exception dans sa haine, et l'antisémitisme "aryen" sera une incarnation pure de la haine de l'autre (haine d'ailleurs d'origine plutôt religieuse que raciale, puisque les Juifs sont de race blanche et de provenance des régions de Mésopotamie en bordure de l'Iran, où l'on situe la patrie de descendants des ... Aryas ou aryens, mot, dont dérive le mot Iran).

A regarder de près le racisme, il s'agit presque toujours de haines, rivalités, conflits d'intérêts, jalousies, envies, malentendus ou préjugés non pas entre les races, mais entre les nations, peuples, ethnies, clans, religions, cultures, etc., souvent de la même race. On va jusqu'à désigner comme "racisme anti-femmes" une discrimination sexiste des êtres strictement de même espèce, de même sang, de même famille!... Le mot sert à n'importe quoi. Autrement dit, on utilise ce mot pour désigner une multitude de choses différentes. Exactement comme on désigne par le mot maladie les maux de nature différente, demandant des remèdes différents.

Il est donc évident, que pour combattre un "racisme" concret, il faut distinguer de quoi il s'agit. Et comme il est vain de combattre "les maladies" en général, il est aussi inutile de gaspiller son énergie à lutter contre "le racisme" en gros, entendu comme idéologie de supériorité biologique et permanente d'une race. C'est la seule définition stricte du mot. Pour foudroyer ce racisme classique, pour prouver qu'il n'y a pas de supériorité permanente, innée, il suffit d'évoquer un fait évident de l'histoire humaine. Des races ou sous-races différentes, à tour de rôle, ont manifesté une magnifique ... supériorité sur les autres. Les "jaunes" de Chine, les Arabes d'Egypte, les "sous-hommes" asiatiques de Judée, les "dégénérés" de Grèce et de Rome ont créé de merveilleuses civilisations, des trésors inestimable de pensée, d'art et d'ethique aux époques où les "aryens" d'Europe était des minables barbares. La civilisation européenne moderne n'est qu'une synthèse, un développement de ces civilisations "non-aryennes", créés par des peuples nullement "blonds-aux-yeux-bleus"... Il est naturel, que cette dernière civilisation est plus riche que les précédentes, puisqu'elle est dernière. Mais cela ne prouve pas une supériorité biologique des européens. Il est fort probable que, dans cent ans, dans mille ans, cette civilisation pourrait s'épuiser et, venue d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique du sud, une nouvelle civilisation la dépassera.

Ce constat démontre aussi, que les différences entre les races ou groupes humains non seulement existent, mais qu'elles sont bénéfiques à toute l'humanité, car une race ou un peuple qui fait des percées dans la connaissance, culture ou technique, en fait profiter tous les peuples. On encense, on glorifie un champion de course à pied. Doit-on maudire une "race" qui courre en tête et devient, pour un temps, la locomotive de l'humanité? Maudire par peur d'avouer, que les différences existent? Elles sautent aux yeux de tout homme de bon sens qui a une vision directe des faits, vision non déformée par des lunettes idéologiques. Il ne peut pas comprendre ces antiracistes qui, armés de lunettes nivellatrices, nient les différences entre les différents (par définition, différents, sinon ils n'existeraient pas!) peuples, cultures ou races. Leur argument suprême - l'inexistence de races - les rend carrément ridicules.

De toute façon, cet argument est inefficace, car un vrai raciste n'écoute pas les arguments, son racisme est irrationnel. Lui, qui souffre souvent d'un complexe d'infériorité, porte aussi des lunettes, d'un autre type : grossisant sa personne, avilissant les autres... Les démentis ne l'atteignent pas. Un antisémite ne perdra son besoin de haïr après avoir lu le décret, signé par le pape le 28 octobre 1965 et disculpant le peuple de la Bible de monstrueuses et absurdes accusations qui pesaient sur lui depuis deux mille ans. Un raciste est sourd aux preuves sérieuses. Mais il se régale, il se renforce, quand les antiracistes doctrinaires lui opposent des arguments faux, nient les faits, les évidences, et proclament l'uniformité, devenant ainsi les meilleurs agents de recrutement du racisme. Car le raciste peut dire : "Vous voyez, les antiracistes ont tort, donc nous avons raison!". Non, ici les deux camps "à lunettes" ont une vision fausse. La variété est une suprême richesse de l'humanité, tandis que le nivellement, autant que le racisme, c'est sa mort. Le vrai antiraciste ne nie pas les différences, il nie le droit de mépriser, de soumettre, de dominer le différent, de mépriser même "l'inférieur", le dernier des pygmées. Nier les différences, ne pas admettre leur droit d'exister, c'est les honnir, et cela est une manière d'anéantir l'homme différent. Ce négationnisme est, au fond, apparenté au racisme. Un vrai antiraciste ne ment pas, il ne dit pas au pygmée : "Tu es aussi grand, aussi civilisé que moi". Non, il dit : "Tu es différent de moi, ta culture est moins riche, moins créative que la mienne, mais tu es un homme, comme moi, et tu as le même droit à la dignité". C'est cela qu'enseignent les trois religions, issues de la Bible, et c'est au niveau du droit, de la morale et de la culture que l'on combat le racisme. Pas avec des arguments d'uniformité biologique. Dans les différences raciales, bien réelles, il n'y pas le moindre argument, justifiant le racisme. Sinon, le jour où les généticiens trouveront un gène de différence raciale, il faudra se coucher devant les racistes et introniser un Hitler blanc, noir, jaune ou rouge...


Faut-il, pour vaincre le racisme, nier, sinon les différences biologiques, du moins les différences culturelles entre les races, nations, peuples, comme le font nos idéologues de l'antiracisme, qui viennent souvent de la gauche nivellatrice, dont le Grand Dieu est Procuste, avec son lit? Non plus, puisque dans le monde vivant on ne trouve nulle part l'égalité parfaite, sauf cette sainte égalité des droits, que les hommes ont récemment et difficilement introduite dans les sociétés démocratiques et qui est très difficile à défendre contre les incessants assauts d'assoiffés des privilèges. Encore plus que biologiquement, les races, nations et peuples se distinguent par leurs cultures, croyances, moeurs, traditions. Il est parfois difficile de les comparer en termes de supériorité, puisqu'il n'y a pas d'instrument de mesure précis de la valeur globale d'une culture. Mais on peut mesurer son niveau d'humanité, de tolérance, en comparant son degré de respect de l'individu, de ses droits, de sa propriété, acquise par son travail, surtout le degré de respect des faibles : de la femme et de l'enfant. Affirmer que sur ce point une telle culture est supérieure à une autre n'est pas un acte de racisme, mais un acte bénéfique pour la culture moins tolérante. Car cet acte incite les hommes de cette culture différente, sinon inférieure, à corriger ses défauts, à s'inspirer de celle qui l'avait devancée dans son évolution vers ce monde idéal, donc inaccessible, où la dignité de chacun serait respectée. On n'approchera jamais cet idéal en affirmant que toutes les cultures se valent, ce qui signifie qu'aucune ne doit se corriger, apprendre, progresser. L'affirmation d'une telle "égalité" entraîne l'irresponsabilité, l'obscurantisme, la médiocrité, la déchéance, la haine - conséquences naturelles de toute idéologie nivellatrice (cela explique pourquoi certains antiracistes sont aussi haineux que les racistes). Si l'humanité est sortie des cavernes et se civilise petit à petit, c'est grâce à l'échange de bons procédés entre les cultures de niveau différent, grâce à l'apprentissage chez les meilleurs. Mais, quand la cohabitation des cultures n'est pas consentie, les différences culturelles (par ailleurs, inévitables), tout en étant profitables, peuvent aussi provoquer des frottements, une animosité pouvant se muer en conflit d'apparence raciste.

C'est là, probablement, qu'il faut chercher la clef des conflits, liés à l'installation en Europe d'une récente immigration, venue en majorité du tiers-monde du Sud. En France, notamment, la montée du Front national (de 0,2% d'électeurs en 1981 à 15% en 1995) était parallèle avec l'aggravation des problèmes liés à l'immigration, avec la multiplication des émeutes des banlieues, dans le climat de chômage montant et de décrépitude du socialisme mitterrandique. Aucune autre vague d'immigrés n'a provoqué de problèmes aussi graves. Pourquoi? L'origine de cette immigration peut l'expliquer. Les dictatures atroces, dégradantes, déshumanisantes, en majorité communistes, ont laissé nombre de pays africains en ruines, dans le sens matériel et moral du terme. La plupart des immigrés du Sud quittent les pays où règne non seulement l'indigence, mais aussi le fanatisme, le terrorisme, l'intolérance, l'obscurantisme, le pillage, parfois la barbarie franche. Ils rompent avec leur patrie pour chercher parmi les autres races ou peuples autant le bien-être matériel qu'une vie plus humaine, plus digne, fondée sur ces valeurs de la civilisation qui manquent chez eux : liberté, tolérance, politesse, respect de la personne, de la propriété, des règles de cohabitation. C'est ainsi qu'ils attestent la différence entre cultures : pour savoir où la civilisation est supérieure, il suffit de voir vers quelles destinations se dirigent librement les émigrés, et d'où ils ne veulent plus partir.

Hélas, étant pauvres, peu instruits, peu qualifiés, débarqués dans un pays à l'âge informatique, presque sans travail pour eux, ils se retrouvent, s'ils sont trop nombreux, parmi leurs semblables dans des quartiers à bas loyer. Et ils amènent sur leurs semelles les défauts qu'ils voulaient fuir. Un archipel des îlots du tiers-monde (1200 en France!) surgit au milieu de l'Europe. Sauf d'heureuses exceptions, les enfants des familles à culture plutôt pauvre, ne maîtrisant pas la langue du pays, s'adaptent mal à l'enseignement complexe européen, et les écoles se "tiers-mondisent". La vie de leur cité se dégrade, pour les autochtones autant que pour les immigrés. La cité devient invivable, par la faute d'une minorité incivique, ayant échoué dans les études, désoeuvrée, tombée dans la délinquance. La population en souffre, y compris la majorité d'immigrés. Les quartiers, qui étaient paisibles, modestes, mais souvent modernes, deviennent délabrés et, comme on dit, difficiles. Difficiles, parce que le tiers-monde s'y est installé avec ses moeurs et sa violence. Qui peut nier la réalité dramatique de ces abcès sur le corps du pays? Appartements et magasins cambriolés, enseignants et commerçants agressés, boites à lettres cassées, courrier volé, murs tagués, maisons dégradées, écoles dépréciées, voitures pillées, volées ou incendiées, bruit, saleté, vandalisme, nuisances, réseaux islamistes, sinon terroristes, bandes organisées, vivant du vol, du racquet, de la prostitution, du trafic de drogue. Les propriétaires de leurs logements modestes, de petits commerces ou ateliers subissent la dépréciation de la valeur de leur patrimoine, acquis à la sueur de leur front, mais perdu pour leurs enfants. Car s'ils se décident à quitter leur quartier, transformé en taudis, ils partent ruinés.

Chez les autochtones, le rejet de l'immigration excessive n'est qu'une réaction inévitable à tous ces méfaits. Est-ce du racisme? Non, car la majorité des immigrés réagit de la même façon, elle ne veut pas vivre dans le climat d'une ville terrorisée par des bandes de voyous, de violeurs, de dealers, - bourreaux de la cité, qu'ils changent en zone sans loi, puisque la police n'ose plus y entrer. Et chez un immigré on n'appellera pas cette indignation légitime contre ses frères - racisme. Mais chez un autochtone on peut soupçonner que le même sentiment s'accompagne d'une pensée raciste : "Tous barbares!" On peut le soupçonner, et sans doute certains le pensent, mais un fait interdit de globaliser. Sont assez bien acceptés certains groupes d'immigrés, notamment les asiatiques de race jaune, comme le prouvent les sondages. Car, bien que de race et de religion beaucoup plus éloignées, ils sont attachés aux valeurs confucéennes, proches des européennes : ardeur au travail et à l'étude, politesse, solidarité familiale, respect de la propriété. C'est une preuve qu'il s'agit d'un autre sentiment. Hélas, il n'a pas de nom. Ce n'est pas la xénophobie - cette peur ou haine de l'étranger ("xenos", en grec) en tant que tel. Il s'agit de la désapprobation, sans aucune distinction de nationalité, des hommes qui se comportent suivant des normes inacceptables, incompatibles, ou qui manquent de valeurs nécessaires à la vie civilisée.

On pourrait nommer axénisme, ("a-xenos") cette non-acceptation d'une mentalité etrangère, cette allergie à une culture incommodante ou inférieure, cette gêne, cette réaction défensive contre la dégradation du milieu habituel. Le sentiment axénique, auquel personne n'échappe, même les antiracistes de toutes les races, peut naître dans les relations entre les gens de la même race, nationalité, de la même famille! On peut être "axéniste" envers son frère ou sa propre belle-mère, que l'on ne veut pas voir s'installer chez soi, parce que l'on n'aime pas sa mentalité. Un exemple classique est celui des rapports tendus entre les deux groupes de Juifs israéliens : ashkenazim d'origine européenne et sfaradim originaires des pays du tiers-monde, surtout des pays arabes. Ils se nomment "blancs" et "noirs", comme deux races, bien que rien ne les sépare, sauf le type de culture. Mais cela suffit pour que la cohabitation dans les quartiers soit difficile et les mariages mixtes assez rares... C'est de l'axénisme, sûrement pas du racisme. Il s'efface, avec le temps (surtout grâce à l'école), quand les différences culturelles s'atténuent.

Et on atténue ces différences non pas en traitant les malheureux axénistes de "sales racistes", mais en exigeant des individus qui manquent de culture d'acquérir quelques règles et commandements de la vie civilisée. Ce sont eux, ces individus ignorants ou malfaisants, la source de problèmes de cohabitation les plus graves, et les meilleurs alliés des racistes. C'est à eux de rétablir une bonne image de leur communauté. Et c'est à leur communauté, si elle aspire à la vie civilisée, d'enseigner à ses enfants, ses adultes le sens de responsabilité de l'individu, l'esprit de l'effort sur les voies de l'intégration à la vie digne et démocratique, le respect des lois et des moeurs du pays d'accueil. Cela non pas pour effacer leur culture, mais pour l'enrichir, l'adapter, la débarrasser de ses scories (peut-on accepter, légaliser en Europe la barbarie de l'excision, ou la polygamie?). Ce n'est pas facile d'être civilisé, et c'est long à apprendre : il faut connaître, accepter et respecter dix mille valeurs, règles, lois, préceptes, normes, usages. Tel est le prix de la vie libre et digne.

Dans cette difficile oeuvre d'élévation, il y a beaucoup de travail pour les antiracistes, s'ils veulent bien enlever leurs lunettes idéologiques pour regarder la réalité en face, et cesser de travailler au profit des racistes, à dérouler un tapis rouge devant Le Pen, en confondant les bourreaux avec les victimes. Veulent-ils intégrer les immigrés en maîtrisant l'immigration, ou bien (ce qui est sûrement le rêve des adeptes du "fusionnement" léniniste) ouvrir les frontières au tiers-monde, c'est-à-dire démolir notre civilisation "bourgeoise"? Elle est déjà menacée. Trois composants forment un mélange explosif. D'abord, le comportement incivique ou criminel de certains immigrés. Puis le comportement démagogique des antiracistes-idéologues qui ne grondent pas les coupables, mais injurient les victimes, calomnient et gênent l'action nécessaire de la police, empêchent la solution démocratique des problèmes, engendrés par l'immigration massive du tiers-monde. Ensuite, c'est le désespoir de la population devant la surdité, la lâcheté des pouvoirs, terrorisés par les idéologues et incapables de neutraliser les bourreaux de la cité. Voilà ce qui peut changer massivement les axénistes en racistes. Et alors le sang coulera, notre démocratie sera gravement malade, menacée de mort. Car ce sera le temps de la haine, du terrorisme, de la guerre civile, temps propice aux extrémistes, chirurgiens de la hache, avides de pouvoir.

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  • Jacob Sher est ingénieur et publiciste, auteur
  • du livre Changer les idées, éd. Rupture, 1983.