CONDAMNATION DU SOCIALISME (Introduction à Ad. Franck)
Adolphe Franck
LE
COMMUNISME
JUGÉ
PAR L'HISTOIRE
Jacob Sher
CONDAMNATION
DU SOCIALISME
(Introduction aux textes d'Adolphe Franck
"Communisme" et "Socialisme)
Traduit du russe par l'auteur
Une erreur ne peut se soutenir et captiver les esprits qu'en dissimulant une partie de ses conséquences.
Adolphe Franck
Socialisme, 1852
Il est dans la nature du vrai d'être tôt ou tard reconnu.
Pauline Franck
Lettre à Adolphe Franck du 7 janvier 1837
Projet de texte de la quatrième page
de couverture
Le communisme, jugé par l'Histoire... S'agit-il du procès de Nuremberg du système déchu? Nullement. La brochure du philosophe français Adolphe Franck avait été publiée en 1848, juste après le Manifeste du Parti communiste de Marx-Engels, un siècle et demi avant la chute du Mur de la Honte. Mais cette brochure aurait la force de document d'accusation sur n'importe quel procès du système collectiviste, en tant que preuve de la préméditation du crime. Car presque trois quarts de siècle avant la naissance du socialisme réel en Russie, le clairvoyant Franck était l'un des premiers à avertir les adeptes de la doctrine socialiste, qu'elle mènerait vers une impasse sanglante, que par nature elle créérait un système criminel de terreur, de misère et d'esclavage politique. Franck a démontré, que les sociétés collectivistes ne sont ni une nouveauté ni un avenir radieux, mais un passé lugubre, car le socialisme était maintes fois imposé par la violence, à des époques plus ou moins lointaines sur les différents continents. Et ces expériences aboutissaient toujours à un bain de sang, à la faillite, et laissaient le pays en ruines. L'Histoire les a condamnées depuis longtemps. Aucun bâtisseur du communisme ou du socialisme (pour Franck ce "ne sont que des noms différents d'une seule et même chose") ne peut affirmer: "Je ne savais pas ce que je faisais".
Franck fait une analyse pertinente, totalement confirmée par l'expérience, des causes de monstruosité du système. C'est une condamnation sévère de l'idée même du socialisme à l'état pur. Toutes les dérobades des socialistes actuels font long feu. L'Idéal avait-il été mal mis en oeuvre? La faute est-elle aux vices de la Russie? Ou aux circonstances de la naissance? Ou un Guide diabolique a-t-il défiguré l'Idéal? Après la lecture de Franck, tout devient clair: c'est la faute à l'Idéal lui-même, l'Idéal du collectivisme, du monopole d'Etat, diabolique par nature, cannibale. Car, avertissait Franck, il "supprime la personne humaine" (...) pour mettre à sa place la toute-puissance, la tyrannie collective et nécessairement irresponsable de l'Etat" qui devient l'unique capitaliste, et dans ce système "l'Etat sera tout et l'individu ne sera rien". Autrement dit, le cauchemar provient de la nature du système, et non pas de ses "perversions".
Le lecteur trouvera dans l'Introduction de Jacob Sher un éclairage original des idées et de la personne de Franck, en tant qu'antipode de Marx, ainsi qu'une série de conclusions très actuelles sur la brochure du prophète, dont les idées n'ont rien perdu de leur vigueur depuis leur naissance. Sher, Français d'origine soviétique, est ingénieur et traducteur, auteur du livre Changer les idées, éd. Rupture, Paris, 1982.
1. Deux brochures ou Franck contre Marx
Les livres d'aujourd'hui sont les actes de demain" - de cette sentence de l'écrivain allemand Thomas Mann on peut en tirer une autre: "Les actes d'aujourd'hui sont engendrés par les livres d'hier". Autrement dit, il faut chercher dans les livres du passé l'explication des énigmes du présent. Certes, non pas dans n'importe quels livres, mais dans ces livres-clefs qui avaient été adoptés comme guides d'action ou avaient influencé la vision des hommes d'action et de pensée. Car tout acte est un fruit de la pensée. Notre civilisation est la fille du Livre (le mot Biblia signifie livres). C'est pourquoi la vie des livres est étroitement liée avec celle des hommes. Un autre écrivain allemand, Heinrich Heine a formulé ce lien en 1823, dans sa célèbre maxime: "Là où l'on brûle les livres, on finit par brûler les hommes". C'est lui aussi qui souligne en 1834, d'une façon imagée, la primauté des idées dans l'explication des actes: La pensée précède l'action, comme l'éclair le tonnerre". Avec cette différence: un éclair frappe immédiatement, tandis que les conséquences d'une juste ou fausse idée se ressentent souvent longtemps après sa naissance. Et bien, jetons un coup d'oeil dans le passé, pour comprendre de quels éclairs sont nés les tonnerres du présent. Où nous ont conduit les idées des ancêtres, ces idées que nos pères ou nous-mêmes avons reçu en héritage? Tentons de comprendre, lesquelles de ces idées étaient nuisibles et lesquelles restent valables, d'autant plus valables, qu'une longue expérience a confirmé leur indubitable validité.
L'année-charnière 1848 est pour nous d'une importance capitale. C'était une année d'événements politiques orageux, l'année de publication de deux brochures, où l'on peut trouver les mots de l'énigme de maints égarements et horreurs du 20e siècle.
Une des deux brochures est un assemblage d'idées folles, fanatiques, un appel à la destruction des bases de la civilisation, un hymne au faux idéal du collectivisme, un Manifeste de la haine de classe. Les idées de ce Manifeste, en majorité empruntées chez toute une série de théoriciens du socialisme de différentes époques, seront des germes de cauchemar, des virus du goulag, des braises qui, 69 ans plus tard, provoqueront l'incendie en Russie, puis dans des dizaines d'autres pays sur tous les grands continents. Cet incendie embrasera un tiers de l'humanité. Un siècle et demi après la publication de cette célèbre, incendiaire brochure, le monde souffre encore des conséquences du feu que ses idées avaient allumé.
L'autre brochure est oubliée, devenue introuvable à notre époque. Mais c'est précisément de nos jours qu'elle peut être le mieux admirée comme l'oeuvre de génie, éblouissante par sa perspicacité, clarté et actualité. Elle est un Manifeste de défense des vraies valeurs de la civilisation et un prophétique avertissement du danger du faux idéal de gauche, Idéal de société monolithique et nivelée. C'est une pénétrante analyse de la monstrueuse nature de l'embryon du nouveau Dogme, un cris d'alarme d'un sage humaniste. "Hommes, prenez garde! Cette voie mène vers l'abîme!" - tel est le sens de sa brochure.
"Un spectre hante l'Europe"... Par ces mots commence la première brochure, - le Manifeste du Parti communiste, signé par Marx et Engels. Un minuscule tirage de ce Manifeste a été imprimé en langue allemande à Londres en février de cette année critique 1848. Il devait servir de programme, ou plutôt de proclamation propagandiste à la minuscule Ligue communiste, dirigée par les auteurs de la brochure et prétendant au titre d'Avant-garde de l'Humanité. En réalité c'était une poignée d'immigrants allemands - des "ânes", des "mufles vieillissants", des champions de la "veulerie", de la "jalousie mesquine réciproque", selon la caractéristique d'Engels lui-même dans sa lettre à Marx du 14 janvier 1848, dont nous corrigeons ici la traduction communiste falsifiée. (Il est intéressant de noter dans la même lettre la plainte significative d'Engels à propos de Flocon, journaliste français de centre-gauche et ministre du commerce du gouvernement provisoire, qui avertissait Engels et ses complices: "Vous tendez au despotisme").
En effet, à cette époque un spectre hantait l'Europe. Or ce n'était pas le spectre du communisme, comme le prétendaient les auteurs du Manifeste, mais le spectre de la démocratie. C'était une de ces périodes, où les nations devenues plus mûres se sentent à l'étroit dans les habits politiques et moraux, conçus pour des temps écoulés. Proclamées par la Révolution française bourgeoise de 1789, les idées des Droits de l'Homme et de l'égalité devant la loi n'ont pas encore trouvé à cette époque leur incarnation politique dans le suffrage universel et dans la législation démocratique. L'Europe était presque entièrement composée de monarchies autoritaires, et les esprits étaient agités par les idées d'élargissement des libertés et de refonte des structures politiques. Depuis de nombreuses années déjà durait en Europe le débat fiévreux sur les voies du changement de la société. La majorité des partisans du renouvellement optaient pour des réformes qui conserveraient pourtant le caractère pluraliste de la propriété et tous les acquis de la vieille civilisation.
Mais dans la large gamme des projets de la future structure se trouvaient, naturellement, ceux de l'extrême gauche. Ils étaient inspirés par ceux des anciennes utopistes, qui voyaient les racines de l'inégalité et de tous les maux sur terre non pas dans la très diverse, souvent défaillante nature des hommes, parfois dans leur ignorance, mais dans la propriété privée avec ses compagnons naturels (marché, argent, commerce, concurrence). Ces combattants de la "justice" ne comprenaient pas qu'en principe la propriété n'est pas un produit du partage, mais celui de l'initiative et de la création personnelle. Les cellules de propriété se forment une par une, à l'image des ménagères indépendantes cuisant chacune son gâteau, chacun de type, de goût et de grandeur différents. Or les utopistes se représentaient la propriété comme un immense gâteau que quelqu'un a déjà cuit, mais que l'on a partagé de façon injuste. Admettant que le partage égal des gâteaux de la propriété est impossible ou ne serait pas durable, ces rêveurs, au nom de l'égalité totale, exigeaient une liquidation de toute division de la propriété en cellules séparées, indépendantes, donc un passage à la structure de propriété collectiviste indivisible. En outre, ils assuraient que grâce à l'unification de toutes les "ménagères" dans une cuisine unique, le gâteau commun deviendra beaucoup plus grand que la somme des petits gâteaux privés, et tous seront pleinement rassasiés. Bref, ils réclamaient la destruction des bases mêmes de la civilisation avec son principe éternel de responsabilité et d'initiative personnelles, et donc la liquidation du pluralisme des formes, de la nature et de la dimension des fortunes. Il est évident, que pour une telle démolition des fondations, on a besoin non pas d'une réforme, mais d'une révolution sociale radicale et violente. Bien que ces rêveurs ne se nommaient pas tous communistes, tous auraient pu, avec de timides réserves ou sans elles, mettre leur signature sous cette phrase-clef du Manifeste du Parti communiste:
"Les communistes peuvent résumer leur théorie dans cette formule unique: abolition de la propriété privée".
Abolition totale ou partielle, rapide ou graduelle, violente ou pacifique - sur ces nuances il y aura des disputes et des guerres dans le camp de gauche. Mais sur le mot ABOLITION les divergences n'étaient pas admises - tout parti ou personne qui renonçait à l'abolition de la propriété était immédiatement excommunié de "l'Eglise" de gauche et expédié du camp du socialisme vers la poubelle des renégats (par contre, les anarchistes, en tant que partisans de la collectivisation, seront toujours reconnus comme membres de la famille rouge, bien que leurs frères de gauche, arrivés au pouvoir, les extermineront sans pitié pour leur atteinte purement oratoire sur le Dieu lui-même du socialisme - l'Etat).
Le Manifeste communiste était l'enfant des utopies et exprimait fidèlement le principe de base de tous les collectivistes. Ce texte lui-même n'a joué aucun rôle dans les événements de l'an 1848 (presque personne ne l'avait lu alors), mais il était un fruit monstrueux typique du brassage d'idées de cette époque de tâtonnements, et il exprimait une idéologie, qui avait réussi déjà à rassembler une active, bien que petite armée d'adeptes.
En ce mois de février 1848 précisément, en France, les démocrates, avec le poète Alphonse de Lamartine en tête, abolissent sans violence la monarchie, proclament la république, instaurent le suffrage universel (hélas, excluant les femmes) et annoncent l'organisation rapide d'élections de l'Assemblée constituante. Les clubs, sectes et partis rouges et roses (il y en avaient 146, mais tous petits) exigent aussitôt l'établissement de la dictature, refusent l'idée même des élections ou luttent pour leur ajournement. Les élections sont retardées, mais auront lieu tout de même, en avril. Se retrouvant dans la Constituante en minorité, les abolisseurs rouges et roses font quelques tentatives de s'emparer du pouvoir par la force avec l'intention d'abolir la démocratie et de procéder à la révolution socialiste. Ils sont repoussés par les masses démocratiques et la garde nationale. En juin, en utilisant comme prétexte la dissolution partielle des ruineux Ateliers nationaux, la gauche réussit seulement à inciter à l'émeute les banlieues ouvrières. La garde nationale, restée fidèle à l'Assemblée, écrasera l'émeute après quatre jours des combats de rue. Ces événements avaient démontré à quel point est sérieux le danger du communisme, en tant que mouvement politique, capable de provoquer l'agitation de masses. Ce qu'était la menace, contenue dans la principale idée collectiviste (c'est-à-dire socialiste), cela avait été déjà démontré dans les débats et annoncé dans les avertissements (par exemple, Proudhon, le père de l'anarchisme, mettait en garde contre le communisme). Mais l'analyse profonde de cette idéologie, qui s'est aussitôt cachée sous des masques divers, débutait à peine.
Juste à cette époque, à Paris sort une brochure de 70 petites pages, un véritable Manifeste anticommuniste. Son titre: Le Communisme jugé par l'Histoire. Il sonne comme une prophétie. Or la brochure parle non pas du futur procès du communisme criminel, mais du lugubre et sanguinaire bilan des sociétés collectivistes du passé plus ou moins lointain. Et surtout, la brochure contient une analyse profonde, calme, étonnement précise et prophétique des causes du caractère monstrueux du système collectiviste et de son principe à l'état pur, analyse entièrement confirmée par l'Histoire du 20e siècle. C'est une condamnation sévère de l'idée même du socialisme et un dévoilement de ses divers masques. Auteur de la brochure, le jeune philosophe Adolphe Franck, était seulement connu à l'époque pour son livre sur la Kabbale et pour le fait qu'il était le premier Juif, admis en qualité de professeur à la Sorbonne et de membre de l'Institut de France (qui réunit les cinq Académies). La brochure, dérivée de ses cours de philosophie sociale à la Sorbonne, eut un certain succès, et sa nouvelle édition sortira en 1849. Une troisième édition, complétée de 30 pages d'introduction et de conclusion, sortira à Versailles en mai 1871, une semaine avant la fin d'une nouvelle expérience socialiste sanguinaire - la Commune de Paris, qui a enfoncé le couteau dans dos de la République au début du siège de la capitale par les troupes allemands. Après seulement 72 jours au pouvoir dans la capitale civilisée, le socialisme a réussi à révéler au monde sa gueule cannibale et le catalogue des traits naturels de sa nature, catalogue qui deviendra banal dans les pays socialistes du 20e siècle: arrestations et réquisitions arbitraires, interdiction de tous les journaux indésirables au pouvoir, prise d'otages officielle, vagues de délations et d'ivrognerie, fausses élections, profanations et destructions d'églises, exécution de prêtres et d'officiers, démolition de monuments, expulsion et exode forcé de l'élite. Cette série d'abominations a été couronnée par le massacre des otages, y compris de Darboy, l'archevêque de Paris, et par l'incendie gigantesque de Paris, prémédité et allumé par les communards en déroute. Cette expérience sinistre confirmait tragiquement la justesse des avertissements de Franck sur la nature inhumaine de l'idée collectiviste.
La brochure de Franck n'est pas une réponse directe au Manifeste de Marx (sans réduire le rôle d'Engels en tant que souffleur des principales idées, précisons, que ce texte a été rédigé par Marx seul). Bien que Franck a donné en 1871 une juste appréciation du rôle funeste de l'Internationale (dirigée par Marx), il n'y a pas, semble-t-il, dans les oeuvres de Franck de référence aux textes du fondateur du socialisme "scientifique" (il mentionne brièvement son nom pour la première fois en 1873, dans les protocoles de l'Académie, parmi les noms des auteurs des "utopies dangereuses"). Franck a même publié en 1872 une brochure de 23 pages sous le titre Le Capital, mais elle aussi ne répond en rien au Capital de Marx. Il s'agit du texte d'une conférence que Franck a donnée à Lyon, où il prouve, huit mois après la Commune, que "la guerre, déclarée au capital, c'est la guerre à tout ce qui honore l'espèce humain, à tout ce qui fait sa grandeur, sa noblesse, sa force, sa félicité, sa supériorité sur les autres êtres de la création". Clairement et nettement Franck démontre, que "c'est à la civilisation qu'on déclare la guerre lorsqu'on crie: Guerre au Capital!". Car sans le capital, c'est-à-dire sans le travail accumulé, il n'y aurait ni vrais arts ni sciences ni vie spirituelle. Et la socialisation totale des capitaux ne serait qu'un "acte de spoliation, le vol organisé dans de grandes proportions". La "monstrueuse chimère d'une association universelle" mènerait au "régime de travaux forcés".
Dans sa brochure sur le communisme Franck ne polémique non plus avec Marx. Tout simplement il analyse le principe pur du socialisme et sa forme la plus achevée, le communisme, tel qu'il était formulé avant 1848 par une centaine d'autres théoriciens de la liquidation de la propriété privée. Cette idée simpliste et niaise est née très longtemps avant Marx, et n'avait pas eu besoin de son aide pour se répandre à une époque de contestation de toutes les religions, valeurs et principes. Dans le remue-ménage de la tempête idéologique des derniers siècles de la Science et de la "Raison", il s'est avéré que l'idée la plus conservatrice, la plus ossifiée est justement la vieille idée du ... socialisme. Dans la chaîne ininterrompue des collectivisateurs, allant du patriarche du communisme Platon (qui a crée, dans le livre République, son tout à fait "soviétique" projet il y a presque 2400 ans...) à More, Campanella, Mably, Morelly, Babeuf, Cabet, Marx, Jaurès, Lénine, Mao, Pol Pot, et jusqu'à Mitterrand, le principe de collectivisation n'a nullement changé, comme, disons, ne peut changer la formule chimique de l'alcool. N'ont été modifiées que la dose planifiée du collectivisme, la vitesse et les méthodes de la démolition ou d'évincement de la propriété privée, autrement dit, l'étendue et l'intensité de la nationalisation. Franck s'intéresse peu à tous ces dosages et variations du poison collectiviste. Il étudie la formule et la nature du poison en soi, comme, par exemple, un chimiste examine la formule, la nature et les effets de l'alcool pur, n'entrant pas dans les dédales de l'étude de tous ses innombrables mélanges et dosages. En ce sens, le bref diagnostique de Franck est universel et totalement confirmé par un siècle et demi d'expérimentation du socialisme, aussi bien "prénatal", oppositionnel (d'avant 1917) que postnatal, gouvernemental, réel, en doses fortes ou diluées. Bien que le degré de nuisance de ce poison dépendait de la dose, sa nocivité s'est confirmée dans toutes les circonstances, sur tous les continents. On peut supposer (en attendant le dévoilement des terribles chiffres de l'abattoir chinois) que le poison du socialisme a tué au moins 160 millions d'hommes. C'est 2 à 3 fois plus que les pertes des deux guerres mondiales réunies, même si l'on ne tient pas compte du fait, que la deuxième de ces guerres est aussi l'enfant du socialisme, effet de l'union rouge-brune de Staline avec Hitler, de leur pacte de 1939 sur le partage de l'Europe de l'Est, suivi immédiatement de l'attaque du socialisme soviétique et du national-SOCIALISME allemand contre la Pologne). Le poison du socialisme a envenimé l'existence de milliards d'hommes, on peut dire de toute l'humanité pendant trois quarts de siècle. Et le cauchemar réel n'est pas terminé: le socialisme ne s'est pas encore écroulé partout, et même là où il s'est effondré, ses ruines empoisonnées continuent jusqu'à présent de semer la mort, de propager le mensonge et la haine. Car ses éclats restent encore enfoncés dans les têtes et empoisonnent la conscience d'une multitude hommes. Si l'on consent à l'idée que la recherche de la vérité est un devoir de tout être humain, personne ne peut se dispenser de la recherche des racines du mal, qui gît dans la "religion" la plus répandue de notre temps - le socialisme. C'est pourquoi l'examen de la prophétique étude de Franck n'est pas une affaire de simple intérêt pour des curiosités historiques, mais celle de l'élaboration d'une vision juste du monde, une affaire d'assainissement de notre logique, et donc de guérison de notre monde, malade de ce 20e siècle dominé par le totalitarisme.
Pour nous, la brochure de Franck est précieuse en tant que manuel de compréhension des idées de notre temps. Mais elle avait aussi une importance pratique pour le temps de sa publication. Franck et les autres Cassandre du même genre avaient sauvé l'Occident par leurs avertissements, comme jadis les oies ont sauvé Rome, en alertant la garde de l'approche des barbares vers les murs de la ville. Dans les pays ayant une certaine liberté, le débat sur le socialisme était ouvert, publique. Toute attaque contre la société pluraliste, tout faux dogme rencontrait une résistance, une réfutation par de vrais arguments, chiffres, idées. Dans aucun des pays où la lutte d'idées était ouverte, le grossier mensonge du collectivisme n'a réussi à prendre le dessus. Cela démontre le rôle décisif des idées dans l'évolution de la société. Selon le marxisme, des pays aux économies semblables devraient faire le même chemin. Il s'avère que les idées sont plus influentes que l'économie: en fonction du type d'idées ayant conquis les esprits, des pays aux économies semblables choisissaient des voies différentes. Les idées justes déterminaient le choix d'une voie juste de développement, assuraient le progrès. Les idées fausses menaient vers des impasses sanguinaires, dans le marais du mensonge, de la terreur et de la pénurie. L'économie détermine seulement les conditions du choix, pose des limites aux possibilités, mais dans ces limites, ce sont les idées qui dictent le choix des chemins.
C'est pourquoi il est intéressant de comparer les brochures des deux philosophes - Marx et Franck - qui représentent de la meilleure façon les deux visions du monde, les deux principes contradictoires, dont la lutte laissera une empreinte décisive sur l'Histoire du siècle et demi qui suivit, sur toute l'histoire contemporaine, y compris sur la vie personnelle de chacun de nous, qui avons enduré les décennies troubles du 20e siècle. Leurs deux philosophies sont en même temps le reflet de deux caractères humains, de deux jeunes hommes différents, dont la vie elle-même sera le reflet des principes que chacun d'eux avait inscrits sur son drapeau.
Qui est donc ce mondialement connu prédicateur du socialisme, guide de l'Internationale, père de l'idéologie "scientifique" du collectivisme, à la gloire duquel on a édifié des milliers de monuments dans les pays du socialisme de goulag et dont les oeuvres ont été publiées dans toutes les langues du monde en centaines de millions, sinon en milliards d'exemplaires?
Et qui est ce modeste prophète, presque inconnu, publié modérément, mais ayant si bien compris l'essence du socialisme sept décennies avant la naissance de ce système et ayant deviné toutes les conséquences de cette Erreur moyennant une analyse purement philosophique du principe collectiviste?
2. Deux biographies
Ces deux hommes sont deux symboles. Une seule chose les réunit par un étonnant hasard: les deux philosophes ont commencé leur carrière intellectuelle par des études sur le philosophe grec Démocrite, précurseur de la théorie atomique. Le premier livre publié par Franck en 1836 s'appelait Le système de Démocrite restauré d'après les textes. Et la thèse de doctorat de Marx en 1841 avait pour thème la philosophie de Démocrite. Pour le reste, ces deux hommes sont antipodes. Karl Marx, collectiviste, athée, antisémite, comploteur, propagandiste de dictature et de violence, est devenu meneur de la faussement nommée Alliance internationale des travailleurs (alias l'Internationale). Adolphe Franck, libéral, croyant, réformateur, démocrate, était président de la Ligue nationale contre l'athéisme, ainsi que de la Ligue permanente de la paix.
La vie de Marx (1818-1883) est largement connue, mais elle est presque toujours décrite tendancieusement. On le peint en héros, en saint, en martyr de la Grande Cause de libération du prolétariat. Dans la majorité des livres, la biographie de Marx est falsifiée, comme est truqué le socialisme lui-même - idéologie, promettant aux ouvriers la liberté, le pouvoir et l'abondance, mais en réalité transformant les prolétaires en misérables esclaves d'Etat sans le moindre droit. Nous le savons de l'expérience du 20e siècle. Toute la question (et c'est au fond le but de notre recherche) est d'élucider, si entre le Bel Idéal de départ et le Terrible Résultat s'est introduit une "perversion", ou bien s'il y a entre eux un lien de cause à effet. Nous en trouverons la réponse plus tard, en confrontant les idées de Franck et de Marx. Mais déjà en comparant leurs biographies, leurs caractères et leurs méthodes de recherche nous trouverons certains éléments de réponse.
Même les traits enfantins de Marx ne correspondent en rien à l'auréole de Libérateur de l'Humanité (moyennant dictature...). Ce sont plutôt les traits d'un despote. Selon le témoignage de ses soeurs et de son beau-père, ce garçon était un "affreux tyran", "il exige de ses camarades de jeux une totale obéissance, ne tolère aucune contradiction". Il avait un "sombre regard d'inquisiteur". Citons le catalogue des traits de Marx adulte, qui reviennent dans les différents témoignages et études, y compris dans ceux de ses admirateurs:
Orgueil, raideur, intolérance, nervosité, grossièreté, brutalité, envie, ambition, obstination. Esprit doctrinaire, destructeur. Intransigeant, tyrannique, rancunier, soupçonneux, aigri, caustique. Nature dominatrice. Voix perçante, coupante, irritante. Jugements radicaux; violent dans la discussion, frappe du poing sur la table, avec force. Querelleur, vindicatif, hargneux, autoritaire, nerveux et méchant. Hépatique, il a les traits de caractère qui accompagne souvent cette maladie - coléreux, impatient, insatisfait.
Maldonne! Mais ce sont les traits d'un misanthrope, un concentré de mal, et non pas un Libérateur de tout le mal sur terre! Etrange contradiction...
Il n'est pas étonnant que ce cannibale ait été raciste, particulièrement antisémite, bien que (ou parce que...) Marx était un fils, converti au protestantisme, de juifs convertis, descendants de rabbins. Ses articles dans la Nouvelle gazette rhénane sont des modèles de la haine raciste, appelant au massacre de différents peuples au nom de la révolution, et ses lettres pullulent de remarques antisémites. Là aussi, il y a chez cet Apôtre de l'Internationalisme une curieuse incohérence entre les Idéaux déclarés et les discours opératoires.
Dans son mode de vie on aperçoit aussi une incroyable discordance entre les prêches et les actes. Après des études de droit et de philosophie à l'université, Marx est devenu brièvement journaliste, mais ensuite ce Grand Prêtre du Travail n'exerça aucun emploi et n'a presque jamais gagné l'argent, consacrant sa vie à l'élaboration de son "système" et aux tentatives de renverser la société sens dessus dessous. Ce Destructeur de l'Exploitation a vécu principalement en parasite, exploitant parents, oncles, proches, admirateurs, copains, caisses de parti. Il a soutiré des sommes importantes chez son adepte, le riche avocat Lassalle, et encore plus chez son ami Engels, fils d'un fabricant-millionnaire (à partir de 1860, Engels lui-même est devenu copropriétaire de la fabrique et millionnaire). Les dettes non rendues, la fructueuse chasse aux héritages (Marx en a reçu plusieurs) et à la fin de sa vie la rente du capital (hérité par Engels) ont nourri cet Abolisseur du Capital et de l'Héritage. Il y avaient dans sa vie des moments difficiles, mais la légende de sa modeste existence est une invention en vue de lui fabriquer une auréole de martyrisé Guide du prolétariat (lui-même, dans ses lettres à Engels, exagérait grandement ses difficultés, dissimulait ses revenus, pour soutirer des aumônes plus grasses). Le Liquidateur de la Bourgeoisie extorquait et gaspillait des sommes assez importantes, et il vivait une grande partie de son existence sur un grand pied, à la bourgeoise, dans les quartiers bourgeois. Il avait toujours une ou deux servantes (à l'une d'elles ce seigneur a fait un fils, vite dissimulé chez une nourrice; devenu modeste mécanicien, le fils du Fondateur a vécu en Angleterre jusqu'à 1929, ce que toute l'élite du Kremlin et du Komintern savait et cachait). Il arrivait à ce Démolisseur de la Bourse de spéculer à la Bourse... Rien que de la part d'Engels (qui vivait lui aussi comme un seigneur, entretenait un cheval de chasse et une maîtresse) il a reçu du maudit argent pour une somme de l'ordre de 1,3 millions de dollars actuels (150.000 marks-or de l'époque, selon un calcul manifestement incomplet de l'Institut Marx-Engels de Moscou, se basant sur leur correspondance).
Dans la méthode de recherches, c'est la même distorsion: il y a chez le Fondateur du socialisme "scientifique" une déviation franchement charlatanesque des règles de la science. Il ne va pas de l'examen de la réalité ou des hypothèses de départ par le dur chemin des vérifications, conduisant aux conclusions, estimations, lois, schémas ou systèmes, puis vers de nouvelles vérifications. Au contraire!.. Il annonce au début tous les postulats de son système, et seulement ensuite il se met à écrire de gros livres, pour plier la réalité au schéma, fabriqué préalablement!.. Et jusqu'à sa mort, il ne modifiera nullement son schéma, bien que l'évolution de la réalité n'a absolument pas confirmé les énoncés de sa théorie! Oui, dans ses textes, ou plus précisément chez Engels, qui a converti Marx à la religion communiste, tout leur système, fondé sur des arguments économiques, était fixé en mars 1845, quand aucun d'eux n'avait encore la moindre notion d'économie! C'est alors, dans la conclusion de la brochure d'Engels La Situation de la Classe laborieuse en Angleterre, tout a été déjà décidé, ou plutôt copié chez différents auteurs et voyantes, généralement des socialistes français et allemands. A ce qu'il dit, l'avenir est inévitable, prédéterminé: le capitalisme est CONDAMNÉ. Les crises économiques "seraient de plus en plus violentes, toujours plus épouvantables" (idée de Fourier, de Malthus). "La classe moyenne" et "la petite bourgeoisie" seront ruinées (idée de Schuster), le capital sera concentré "entre les mains d'un petit nombre" (idée de Necker, Sismondi) et le prolétariat réduit à la misère (idée de Proudhon, Vidal, Schulz, etc.), par contre, son nombre croîtra "en proportion géométrique, et constituerait bientôt l'ensemble de la nation, à l'exception de quelques rares millionnaires". "Le prolétariat verra combien il lui serait facile de renverser le pouvoir social existant, et ce sera alors la révolution". Suivent les prédictions, très semblables aux menaces, à la planification de la terreur, de l'incendie et de la cruelle guerre civile (qui logiquement ne découlent nullement de la croyance en la facilité du renversement du pouvoir): "Les prolétaires réduits au désespoir, empoigneront les torches(...); la vengeance populaire s'exercera avec une fureur dont l'année 1793 ne saurait nous donner une idée. Cette guerre des pauvres contre les riches sera la plus sanglante qui ait jamais eu lieu". Engels n'en doute pas: "La révolution DOIT OBLIGATOIREMENT VENIR". Evidemment elle sera violente (idée de Babeuf, Blanqui, Dézamy) et aura lieu, en commençant par l'Angleterre, dans les pays avancés (idée de Cabet). Bref, la concentration des capitaux conduit INÉLUCTABLEMENT à leur fusion dans un Capital Unique (idée de Pecqueur) à l'aide et entre les mains du prolétariat (idée de Weitling) - et voilà vous avez obtenu, en collant ensemble les prédictions des voyantes, le "scientifique" et l'"inévitable" socialisme! Ce schéma prouve, camarades, que l'utopie collectiviste, ce n'est pas des oiseux projets d'utopistes ou les expérimentations antiques de despotes... Non, c'est une conséquence imminente du développement de la société, un fruit naturel du progrès... Et puisque l'arrivée du socialisme découle d'un mouvement mécanique de l'économie, on peut l'étudier scientifiquement, mesurer, prévoir, comme le font les astronomes pour les mouvements des planètes... Bref, l'avenir socialiste est déterminé par l'évolution des forces productives...
Voilà par quelle astuce le socialisme a été transformé de chimère, de fruit de fantaisies littéraires ou d'expériences terribles de l'antiquité, en "étape avancée d'évolution" de la société. Le mage Marx a changé l'Utopie en Science (si l'on oublie, qu'avant lui, Ouen, Saint-Simon, Fourier et Considérant prétendaient déjà au brevet sur ce miracle "scientifique"). Exploit d'autant plus miraculeux, qu'il était accompli sans appuyer leur théorie fantastique sur le moindre argument, chiffre, fait ou exemple, pris dans la réalité. Car on ne peut pas prendre pour argument sérieux de portée générale l'énumération par Engels des faits isolés, des plus noirs faits de la vie des ouvriers, habitant les plus misérables quartiers de l'Angleterre - pays le plus avancé, le plus riche et le plus libre de ce temps (si libre, que l'immigré Marx et le fabricant Engels pouvaient pendant des décennies dénigrer et saper ouvertement la société libérale, tout en profitant pleinement de ses bienfaits, sans être obligé de passer la moindre journée dans ses prisons).
En cogitant sur ce schéma de Jugement dernier social, concocté par son ami, Marx a probablement tiré la conclusion qu'il y a place pour un Prophète d'un tel événement capital, et peut-être même une place d'Exécuteur du renversement mondial, de Juge Suprême terrestre. C'est-à-dire, une place de Guide du Prolétariat... Et puisque la Révolution devrait conduire à la dictature, alors n'est-ce pas lui, l'Inventeur et le Principal Théoricien de la doctrine, le meilleur connaisseur de tous les rouages du nouveau système, qui serait le meilleur prétendant au trône de Dictateur, à l'échelle européenne ou mondiale?.. Il ne s'agit pas de notre hypothèse fantaisiste. Le comportement des deux Apôtres de l'Apocalypse socialiste, toute leur correspondance, tout témoigne de leur intention ambitieuse de jouer le rôle des Titans du Renversement (Engels se contentera de second rôle: cette ancienne recrue avec le grade de caporal visait le post de Commandant en Chef, et dans l'entourage de Marx on ne l'appelait pas autrement que le Général).
Les deux n'étaient pas si naïfs pour ignorer une idée simple: le socialisme, produit de la super-concentration de l'économie, créerait une inimaginable concentration du pouvoir d'Etat, et donc le Dictateur disposera d'une grande part du pouvoir total. Même s'ils étaient des sots accomplis, ils ne pouvaient ignorer cette considération, puisque des dizaines de Cassandre de gauche et de droite leur en avait rebattu les oreilles. Ils étaient donc prévenus, mais ils n'avaient pas peur engendrer ce Pouvoir total, si terrible pour le peuple. Au contraire, ils en avaient soif... L'Internationale est devenue leur instrument de conquête d'un tel pouvoir, et ils ont employé les méthodes les plus viles, les intrigues les plus perfides pour écarter des rivaux et devenir dictateurs de cette Machine de la conquête révolutionnaire du pouvoir. Ce mot précisément, engine en anglais, Marx l'emploie dans sa lettre à Engels du 11 septembre 1867, où il rêve de ce moment de la future révolution, quand "nous (c'est-à-dire toi et moi) nous aurons en main ce puissant engine" (souligné par Marx) (t.9, p.30). On pourrait tirer des centaines de citations de leur correspondance, témoignant de la dévorante soif du pouvoir de ces lutteurs acharnés pour la Totale Etatisation de la société. Toute leur théorie est construite comme un escalier les conduisant au Pouvoir. Pour le Pouvoir... Pourtant cette théorie promet la liquidation des classes, de la hiérarchie, de l'Etat et du pouvoir lui-même!.. Voilà encore une bizarre contradiction, une "déviation" entre les discours, les promesses du marxisme et ses actes ou programmes d'action...
Ne devrait-on pas chercher le mystère du socialisme "scientifique", ainsi que des biographies de Marx et de son ombre Engels dans le mot Pouvoir? Le Pouvoir avec un grand P - n'est-ce pas la clef du marxisme, son essence? Ou bien y avait-il là aussi une étrange "déformation" de la théorie? Nous trouverons la réponse dans l'examen de la théorie. Mais d'abord nous terminerons l'étude des nos auteurs et de leurs méthodes.
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Le mot-clef pour comprendre la vie et l'oeuvre de Franck, c'est certainement le mot Vérité. Car il était un vrai savant, un penseur honnête, et sa vie laborieuse avait pour but non pas le pouvoir ou la gloire, mais la recherche des idées justes et la dénonciation des idées trompeuses. Il ne servait pas une idée, une idéologie ou un dogme préconçu, mais le bien et la liberté. Toute sa biographie le démontre.
Adolphe Franck est né le 9 octobre 1809 dans une modeste et nombreuse famille juive à Liocourt, un pauvre village de la Lorraine, entre Metz et Nancy. Ses parents, travailleurs assidus et estimés, étaient agriculteurs, apiculteurs et tenaient une boutique pour vendre les produits de leur labeur. Son père lisait beaucoup les encyclopédistes français et aimait philosopher. Malgré la modestie des moyens, sa mère, d'une grande piété et d'une charité inépuisable, aidait les nécessiteux des environs, juifs et chrétiens, sans distinction. Adolphe a hérité les meilleurs traits et valeurs spirituels des parents, notamment cette plus grande richesse que l'homme peut posséder: l'alliage de la sagesse, de la bonté et de l'amour du travail. Il était un excellent élève, se préparait à la carrière de rabbin, étudiait le Talmud, la philosophie de Maimonide et la médecine. Mais l'échec au concours pour une bourse à l'Ecole rabbinique de Metz, et surtout sa passion pour la philosophie, l'ont amené à changer ses projets. Ayant brillamment terminé la classe de philosophie du Collège royal de Nancy, Franck étudie la philosophie, le droit et la littérature à l'Université de Toulouse et défend en 1832 sa thèse de doctorat, où il démontre, que toutes les révolutions dans la littérature étaient une conséquence du mouvement continu de l'humanité vers la liberté. La même année, à l'âge de 23 ans, Franck est reçu le premier au concours d'agrégation pour la philosophie. Il enseigne ensuite pendant huit années aux lycées de Doué, Nancy, Versailles, puis à Paris au collège Charlemagne. En 1836 il publie son essai sur Démocrite, en 1837 il est élu à l'Académie de Nancy, l'année suivante sort son livre sur l'histoire de la logique. En 1840 il passe avec succès l'agrégation pour l'enseignement universitaire, et le philosophe Victor Cousin le charge d'un cours public de philosophie à la Sorbonne. En 1843 il publie son livre sur la Kabbale, qui ouvre aux non-juifs l'accès à ce courant religieux et philosophique. Longtemps ce livre sera considéré comme le meilleur en la matière. En 1844, suite à une maladie de larynx, Franck passe quatre mois en Italie, ou il se soigne, voyage et rédige un dictionnaire philosophique. A ce moment, à l'âge de 35 ans, il est élu à l'Académie des sciences morales et politiques (il en sera élu président en 1860). En même temps il est nommé chevalier de la Légion d'honneur. A partir de 1847, à la faculté des lettres de la Sorbonne il enseigne avec un grand succès un cours de philosophie sociale, où il conteste les idées socialistes. En été 1848 sort sa prophétique brochure sur le communisme. La même année, il présente sa candidature aux élections de l'Assemblée, mais échoue. De 1848 à 1852 il supplée le professeur Barthélemy-Saint-Hilaire à la chaire de philosophie grecque et latine dans le prestigieux Collège de France, ensuite il y donne des cours sur l'apport des différentes religions, surtout du judaïsme, au développement de la civilisation. En 1852 il est nommé Conservateur-adjoint de la Bibliothèque impériale et, fruit de huit années d'efforts, la même année sort sous sa direction le solide Dictionnaire des sciences philosophiques, qui, pendant des décennies restera le meilleur dans sa catégorie. Franck y a rédigé une multitude d'articles importants, y compris le capital article sur le socialisme. En 1854 Franck devient chargé de cours, et deux ans après professeur du Collège de France où, jusqu'à 1881, il dirigera la chaire et enseignera le droit de la nature et des gens. En 1862 il est promu officier, et en 1869 commandeur de la Légion d'honneur. En 1866, à l'âge de 77 ans, il part à la retraite, mais 7 ans encore, jusqu'à ses derniers jours, il participera à la vie sociale. Un an avant sa mort, il était élu président de la Société d'ethnographie.
Franck était un travailleur infatigable. Pendant un demi-siècle, il participait activement aux travaux de l'Académie. En trois décennie d'enseignement au Collège de France, il n'a jamais annulé un cours et ne fut jamais en retard. Les étudiants l'appréciaient pour son sens de la justice, pour la clarté et simplicité d'exposition des problèmes les plus compliqués. Il mettait toute son âme dans l'enseignement, savait entraîner l'auditoire, et ses cours étaient souvent interrompus par des tonnerres d'applaudissements. Il avait un caractère indépendant, défendait énergiquement les idées auxquelles il croyait, réfutait ardemment les erreurs des contradicteurs, mais n'avait jamais recours aux attaques personnelles et n'abandonnait à aucun moment sa politesse envers ses adversaires intellectuels. L'académicien Giraud, successeur de Franck au poste annuel de président de l'Académie des sciences morales et politiques, lui avait donné la caractéristique suivante: "Modèle d'urbanité, de droiture et d'exactitude(...); actes utiles et bienveillants. Esprit ingénieux, juste, pénétrant et appliqué(...), caractère équitable, paisible et droit."
Résolument et courageusement, Franck a toujours défendu les droits de l'Homme, même dans les premières années de durcissement du régime du 2e Empire. Dans toutes les époques, ses cours étaient un foyer des idées de liberté et des droits de l'Homme, et toujours ils attiraient beaucoup d'auditeurs. Franck était un partisan des idées de 1789, c'est-à-dire de la première période de la Révolution française, et adversaire de celles de la deuxième période, jacobine, demi-socialiste, commençant en 1792 par le diktat de la première Commune, diktat qui a conduit à la Terreur et a été brisé par le Thermidor, le retour à la voie bourgeoise. Au fond, on peut parler ici de deux révolutions différentes - révolution démocratico-bourgeoise, ayant proclamé le principe de l'égalité des droits, y compris le "droit inviolable et sacré" à la propriété, et révolution socialo-plébéienne, qui a attenté à la propriété, a posait comme but la nivellation totale, et qui sera encensée et copiée par les bolcheviks, adorateurs de son symbole: du sanguinaire Robespierre, idole de presque tous les collectivistes.
Franck ne fuyait pas la responsabilité, mais ne se ruait pas vers le pouvoir. En 1869 il déclina la proposition de l'Empereur de devenir membre du Sénat en disant: "Ma chaire me suffit, je n'ai pas besoin d'une tribune". Franck a consacré une partie importante de son travail à l'élaboration des fondements du droit civil, et particulièrement du droit pénal. Suivant les conclusions de Franck, la société a le droit à l'autodéfense contre les criminels, à leur isolement, à une dissuasion préventive, à la compensation des dégâts des crimes et délits, mais non pas à une punition directe des criminels. Car la punition, selon Franck, c'est l'affaire de Dieu, et non pas des hommes. C'est pourquoi il prêchait contre la peine de mort. A l'exclusion des cas d'application de la peine de mort dans certains pays (est-ce une punition ou une mesure de dissuasion? - l'avis sur cette question n'est pas encore unanime), les principes humanistes de Franck sont généralement admis dans le code pénal des pays démocratiques - le criminel est isolé, mais on ne lui applique ni punitions corporelles ou mutilations ni privation de nourriture ni incarcération dans des cachots. En principe (pas toujours en pratique...), l'isolement lui-même n'est pas considéré comme une mesure de punition, mais comme une mesure d'autodéfense de la société (c'est pourquoi les récidivistes sont condamnés à un enfermement plus durable).
Franck a étudié aussi les problèmes du droit ecclésiastique, de la morale et de l'assurance sociale. Il était un bon orateur, publiait beaucoup d'articles, collaborait au Journal des débats et à d'autres organes de presse, et en 1863 il est devenu un des principaux rédacteurs du Journal des savants. Une série de ses articles a paru dans les Archives israélites. Dès la fondation en 1866 de la Société française de traduction de la Bible, Franck en était devenu un membre actif. Fervent défenseur de la supériorité du droit sur la force, il était, en 1867, l'un des fondateurs, puis président de la Ligue internationale et permanente de la paix (en 1872 rebaptisée Société des amis de la paix). La Ligue élaborait et prêchait les méthodes d'élimination de la violence, notamment les procédures de solution des conflits par la voie des négociations, sur le plan international et intérieur (précisons: ce n'était nullement une organisation de pacifisme naïf, dans l'entendement actuel). Dès 1886, Franck était fondateur et président de la Ligue nationale contre l'athéisme, et deux ans après il fonde et dirige La Paix sociale, journal hebdomadaire de cette Ligue. Energique propagandiste de la conciliation et du rapprochement des différentes religions, Franck était un ferme adversaire aussi bien du matérialisme que du principe de l'Etat théocratique.
Il était un ardent partisan de l'égalité des femmes, dont il disait qu'elles étaient "l'âme", "la plus précieuse moitié" de l'humanité. Cette égalité, comme l'entendait Franck, devrait tenir compte des particularités de la nature féminine, et non pas transformer la femme en fausse copie de l'homme. A son avis, l'homme et la femme possèdent des qualités différentes, complémentaires, et uniquement quand ils sont réunis, ils composent un être harmonique. Aux idées humanistes de Franck correspondait son existence: vie familiale heureuse, non sans soucis ordinaires, avec sa femme Pauline. D'une famille juive pauvre, cette autodidacte d'une grande culture était gouvernante jusqu'à leur mariage en 1839. Elle sera l'auteur de quelques études sur la vie de Maimonide, mais surtout d'extrêmement touchantes, expressives, nobles et intelligentes lettres, dont le recueil posthume sera publié en 1898 par sa fille, sous le titre Une vie de femme. Les Franck avaient quatre enfants, mais le premier, un fils, est mort à l'âge de 12 ans (la douleur que cette perte a provoquée, est exprimée dans les lettres de Pauline avec une force, une profondeur telles, que nous n'avons jamais rencontrées ni dans la vie ni dans la littérature). Autres éléments de leur vie: une maison hospitalière, beaucoup d'amis, de rencontres; des conversations animées, souvent jusqu'à tard dans la nuit, car Adolphe et Pauline étaient des interlocuteurs passionnants.
20 ans durant Franck a participé activement (en sachant bien s'entendre avec de sévères archevêques...) au Conseil supérieur de l'instruction publique, comme représentant de la communauté juive, dont il était vice-président et réformateur pendant trois décennies. Les qualités morales et pédagogiques de ce juif étaient appréciées à tel point, que la hiérarchie catholique lui avait confié la haute responsabilité de la rédaction d'un manuel de morale pour le système d'éducation secondaire. Franck s'occupait beaucoup des recherches sur l'histoire des Juifs, et en 1888 il a été élu président de la Société des recherches juives. Il a examiné les problèmes d'enseignement aux sourds-muets, et en 1880 il en a fait un rapport pour le gouvernement. Adolphe Franck est mort le 11 avril 1893 à la 84e année d'une vie de combat, particulièrement active. Homme de tolérance et de compromis, mais non pas pacifiste à tout prix, Franck comprenait, que pour éviter les guerres et les tragédies, il faut sans cesse conduire une guerre contre les idées fausses. A ce philosophe, qui toute sa vie durant menait une "guerre" pour la paix entre les peuples, religions, races et sexes, la République a rendu hommage par des funérailles militaires. Un régiment de ligne avec son drapeau et orchestre, une foule de proches, de collègues, d'admirateurs, d'étudiants accompagnaient sa dépouille à la section juive du cimetière Montparnasse, où il a trouva le repos à côté de sa femme, morte en 1867.
Quelle vie! Quel homme! Il a apporté aux hommes tant de bien, tant de connaissances, tant de vérité! C'était un vrai antipode de Marx, de ce plus grand propagateur des erreurs et des illusions tragiques! Une grande et profonde culture, honnêteté et esprit lucide sont les principales qualités d'Adolphe Franck, libéral et réformateur convaincu, citoyen exemplaire de la France et représentant sans reproche du peuple juif. Indiscutablement, il appartenait à la formidable tribu des bâtisseurs de la société démocratique, forgerons des bases morales de cette civilisation humaniste, qui sert à présent d'exemple au monde entier. En 53 ans d'enseignement, Franck a inculqué l'amour de liberté, l'esprit de responsabilité et les autres vraies valeurs à des milliers d'élèves et d'étudiants, les a immunisés contre les tentations de l'utopie, qui maintes fois menaçait d'entraîner la France, et avec elle l'Europe, sur la voie sanguinaire du collectivisme. Franck a exercé une influence bénéfique sur une bonne partie de l'élite française par ses livres, son Dictionnaire philosophique, son manuel de morale, ses conférences publiques, ses discours, son activité dans la Ligue de la paix et dans la Ligue contre l'athéisme. Disciple et continuateur de Franck, le philosophe, théoricien de la "force des idées" Alfred Fouillé a écrit, que Franck "a toujours vu dans la moralité la grande force qui, malgré les apparences, entraîne le monde". L'arme de Franck, c'était justement la force des idées morales, et si certaines de ses idées peuvent nous paraître insuffisamment osées, elles étaient courageuses, progressistes pour son temps. En tant que démocrate, il marchait souvent devant son époque sur des voies justes dans maints problèmes. Probablement c'est une qualité de plus en faveur de Franck - en marchant en tête, il ne devançait pas trop la colonne, et restait compréhensible pour ses contemporains. Certes, il n'existe pas de penseur sans la moindre faille. Mais nous ne croyons pas pouvoir trouver au 19e siècle un penseur, qui se serait trompé aussi peu qu'Adolphe Franck (au 20e siècle seul Raymond Aron, un autre professeur du Collège de France, peut se comparer à lui sur ce plan).
Cette confrontation de Franck et de Marx, qui incarnent deux principes, deux méthodes, deux caractères opposés, trouverait un intéressant prolongement dans leur comparaison en tant que Juifs, tenant position des deux côtés opposés de la barricade.
3. Deux Juifs
Le fait "étonnant" que deux Juifs peuvent se trouver des deux côtés opposés de la barricade est en soi significatif... Car même à notre époque, les antisémites de gauche et de droite continuent à peindre le peuple juif en une seule couleur hostile, contrairement à tous les autres peuples, reconnus naturellement multicolores. Pour les uns, les Juifs sont tous rouges, tous abolisseurs de la bourgeoisie ; pour les autres, ils sont tous blancs, incarnation de la bourgeoisie, défenseurs de l'ordre bourgeois, tous des Rothschild et contre-révolutionnaires. Le cannibale anarchiste Bakounine allait, en 1871, jusqu'à prétendre que cette "nation-vampire" incarne à la fois les deux pôles (qui, logiquement, s'excluent mutuellement!). Pour lui, son rival Marx, l'abolisseur du Capital, et Rothschild, que les antisémites avaient intronisé en symbole du Capital, sont des complices (en cela, le dément Hitler était un bon élève de Bakounine...). Les Juifs rouges? Collectivistes et athées? Il n'y en avait pas des masses, parmi les Juifs, en grande majorité grands croyants et petits propriétaires : artisans, commerçants, travailleurs indépendants. Oui, on comptait toute une série de Juifs parmi les bolcheviks, notamment parmi les dirigeants (Trotsky, par exemple, était, dès 1917 et pendant 3 ou 4 ans le deuxième personnage dans leur hiérarchie, mais totalement évincé en 1924 et expulsé du pays en 1929). Cela s'explique simplement: en Russie avant la révolution les Juifs étaient un peuple persécuté, privé de maints droits. Ils ont souffert de l'antisémitisme, de l'assignation dans des zones de résidence, des limitations d'accès à l'enseignement et aux emplois publics, des faux procès, des pogroms sanguinaires. C'est pourquoi une petite partie des Juifs croyait, que seule la révolution radicale, socialiste les débarrasserait des souffrances, leur octroierait l'égalité des droits, annulant les innombrables lois antisémites (de telles lois, il y en avait 650 au moment de la révolution bourgeoise de février 1917, et c'est elle qui les abrogera toutes le 20 mars). Il y avait encore plus de Juifs roses, blancs et de toutes autres couleurs, croyant à d'autres voies de libération, à la solution sioniste, à la révolution démocratique ou tout simplement aux réformes. Par exemple, le Bund - Union des ouvriers juifs, fondée en 1897 à Wilno (actuelle Vilnius), marxisant à ses débuts, avait déjà rompu avec les bolcheviks en 1903, en raison des divergences inconciliables sur le problème du centralisme dans le parti et sur la question juive. La 8e conférence du Bund condamnera en décembre 1917 le putsch d'Octobre. Puis, devant l'horrible spectacle des pogroms, commis par les blancs, le Bund hésitera, se scindera, et finalement sera dispersé par les bolcheviks en 1921. Le Bund, ce sont donc 20.000 Juifs-réformateurs - maintes fois plus que de Juifs-communistes. Car le total des bolcheviks de toutes les ethnies ne dépassait pas 8400 en 1905 (et au début de 1917, parmi les 23.000 bolcheviks il n'y aura que 4% de Juifs, un peu plus que leur proportion dans la population, mais moins de 1000 pour toute la Russie, incluant la Pologne, soit 1 seul communiste pour 5000 Juifs!). Presque tous les autres partis purement juifs, notamment les sionistes, au nombre de 300.000, ont condamné le putsch et manifesté leur hostilité au communisme . Déjà en octobre 1903, Lénine se plaignait contre le journal des sionistes, dont les auteurs, disait-il, "crachent feu et flamme" contre son journal Iskra (t.7, p.100). Trotsky se rappellera, à propos d'un leader typique du Bund, le menchevik Marc Liber, qu'en 1917 il "débordait littéralement de haine à l'égard des bolcheviks", qu'il était "l'ennemi juré des bolcheviks" et, pendant le complot communiste de juin, il réclamait, pris d'une "furie hystérique", des "mesures impitoyables" contre les rouges.
Ayant obtenu l'égalité des droits en mars, la grande majorité des Juifs a reçu le putsch rouge d'octobre avec hostilité ou inquiétude, craignant les troubles, les pogroms. Et en effet, pendant la guerre civile de 1918-1921, près de 2000 pogroms juifs auront lieu, avec 1 million de victimes, dont près de 100.000 massacrés sauvagement, surtout des enfants, des femmes, des vieillards sans défense! Or, bien que les rouges y avaient leur part, c'était surtout l'oeuvre macabre des armées blanches, car pour les blancs, les bolcheviks étaient "tous youpins", comme le "prouvait" l'encombrante figure de l'épouvantail Trotsky. Les pogroms avaient jeté une masse de Juifs dans les bras des rouges, car de ce côté, la présence au sommet du pouvoir de quelques Juifs (plus précisément, d'ex-Juifs, surtout du même Trotsky à la tête de l'Armée rouge) freinait temporairement le déchaînement de l'antisémitisme rouge. Par contre, du côté des blancs, aucun Juif ne pouvait jouer ce rôle modérateur dans le commandement, détenu par la caste des officiers, dont l'accès était interdit aux Juifs depuis des siècles. Dommage, et pas seulement pour les Juifs. L'abjecte pratique des pogroms, avec les massacres et les pillages qui les accompagnent, a fortement corrompu, démoralisé les armées blanches, a compromis leur image dans les yeux de la population raisonnable et a contribué ainsi à leur échec, comme l'admettront ensuite certains des généraux et des politiciens blancs.
Bien qu'une partie des Juifs se soit abritée du côté rouge, pour un certain temps, et qu'une bonne partie ait émigré, le reste continuait à se méfier des rouges ou à les combattre. Le premier attentat sérieux contre le cannibale Lénine a été commis en août 1918 par la Juive Fanny Kaplan, du parti des S.R. (socialistes-révolutionnaires, parti plutôt non-collectiviste, proche de la paysannerie et majoritaire dans la Constituante que Lénine a dispersée de force début 1918). Un fait symbolique: en même temps, le chef de la sanguinaire Tchéka de Petrograd, le Juif-bolchevik Ouritsky a été abattu par un autre Juif du parti S.R., le poète Kaneghisser. C'est-à-dire que les Juifs peuvent avoir des idées opposées, même s'entre-tuer, et que leur majorité se trouvait plutôt du côté anticommuniste de la barricade, si l'on fait abstraction de ceux qui restaient neutres, hésitants, ou étaient hostiles aux deux camps opposés à la fois .
Cela est confirmé par le tableau de l'Israël moderne. Quel système ont fondé les pionniers (sionistes, bundistes)? Un système libéral, pluraliste, démocratique. Et quelle est la couleur politique du peuple? La plus bigarrée. Les israéliens eux-mêmes plaisantent: "Il y a chez nous autant de partis, que de Juifs". C'est un peu exagéré... En tout cas, environs trois dizaines de partis prennent part dans les élections, et seuls 2-3% des électeurs votent pour les communistes. Or même dans ce petit nombre, la majorité se compose des arabes israéliens. En outre, entre les communistes il n'y a pas d'unanimité: ils sont divisés en deux minuscules partis rivaux: arabe et mixte.
Les Juifs peuvent (et désirent) vivre sans communisme, comme le communisme peut (et désire) vivre sans Juifs. Dans la majorité des cas le communisme est né sans la moindre participation des Juifs, comme en Yougoslavie, en Albanie, en Chine, à Cuba, dans maints pays collectivistes d'Asie et d'Afrique. Le capitalisme aussi peut, pendant sa naissance, se passer d'accoucheurs juifs. Et s'il arrive, que les Juifs, à côté des représentants des autres peuples, aident à la naissance de tel ou tel autre régime et y participent, y a-t-il quelque chose d'anormal? Pourquoi les autres peuples y ont droit, mais les Juifs doivent s'abstenir, au risque de provoquer les vociférations: "Tout cela est la faute aux Juifs!". Il ne viendrait à personne l'idée de dénigrer en vrac tous les Russes, tous les Géorgiens ou tous les Polonais pour les crimes de Lénine, Staline, Dzerjinsky! L'essence de l'antisémitisme consiste justement dans le refus aux Juifs de l'égalité des droits avec les autres peuples ou religions, notamment du droit d'avoir des caractères et des opinions différents, et même de les changer au cours de leur vie. Pour un antisémite, tous les Juifs sont pareils et invariables, tous sont soit communistes, soit capitalistes, tous sont avares, arrogants, tous ont le même nez crochu.
La comparaison de Franck et de Marx en tant que Juifs ne peut se faire qu'avec une réserve. Franck était Juif dans le plein et noble sens du mot. Il aimait son peuple, son Histoire, sa religion, il était fier d'y appartenir. En même temps il était patriote de la France et, étant réformateur, il est resté en accord avec les principes essentiels de sa société libérale et avec les valeurs de la civilisation occidentale, fille de l'Ancien et du Nouveau Testament. La vie de Franck est un exemple démontrant, que l'émancipation des Juifs ne signifie nullement la disparition du judaïsme, mais peut conduire à son intégration harmonique dans la société démocratique ou à d'autres solutions civilisées suivant le choix libre de chaque Juif (la solution sioniste sera l'une d'elles). La personnalité riche, plurielle de Franck est une preuve vivante, que l'homme, conciliant deux cultures, deux langues, deux Histoires, embrassant de son regard deux horizons, peut vivre non pas comme un homme divisé, un demi-homme, mais comme un homme plein, et même plus - un homme redoublé, se nourrissant des deux cultures et les enrichissant toutes les deux. Sans de tels hommes "doubles", hommes de frontière, hommes de liaison, de "traduction", qui existent dans chaque peuple, - sans eux la civilisation ne serait pas née et ne pourrait pas se conserver. Car la civilisation, réunissant les peuples et préservant les cultures est l'enfant de l'enrichissement réciproque des cultures, de l'échange ininterrompu, du "commerce" entre cultures. Dans l'édition de 1765 de son Encyclopédie, le sage Diderot avait mis en tête de son long article sur les Juifs une page de son collaborateur Louis Jaucourt, où, après un rappel des "horreurs" et des "carnages" répétés que "les Juifs ont éprouvé depuis Jésus Christ" dans "tous les états chrétiens", il affirme l'utilité de ce peuple-médiateur. "Répandus" en Europe, les Juifs "sont devenus des instruments par le moyen desquels les nations les plus éloignées peuvent converser et correspondre ensemble. Il en est d'eux comme des chevilles et des clous que l'on emploie dans un grand édifice et qui sont nécessaires pour en joindre toutes les parties". (En influençant l'opinion publique, ce passage a fortement contribué à l'octroi aux Juifs de France de l'égalité des droits après la révolution de 1789 - une preuve de plus de la force des idées, donc des livres).
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Dans ce domaine national aussi, Marx est l'antipode de Franck. Karl-Heinrich Marx est né Juif, mais rapidement il cessera de l'être. Quand dans la région rhénane l'administration française avait été remplacée par la prussienne, son père Heinrich, avocat, avait été obligé de renoncer à sa religion juive, pour obtenir le droit de continuer son travail de conseiller juridique. En 1817 ou plus tôt, à peu près un an avant la naissance de Karl, il s'est converti au protestantisme. Mais Henriette, la mère de Karl n'était pas pressée de se convertir, et restera juive jusqu'en 1825. Selon les lois juives, la nationalité de l'enfant (tant qu'il n'est pas baptisé) est déterminée par celle de sa mère . Donc Karl est resté juif (dans le sens religieux) jusqu'à l'âge de 6 ans, quant il fut baptisé, un an avant sa mère. Donc son abandon du judaïsme ne vient pas de sa volonté. Par contre, quand il a grandi, non seulement il s'est consciemment détaché de tout ce qui est juif, mais il est devenu un antisémite haineux, et jusqu'à sa mort il n'a raté aucune occasion de mordre les Juifs. Il a donc renié, abjuré non seulement sa religion, mais aussi son peuple. On peut dire qu'il a cessé d'être Juif, dans le sens ethnique du terme. Dans leur correspondance, Marx et Engels s'ingéniaient dans l'art d'inventer tous les dérivés méprisants du mot "youpin". Comme nous le verrons, les raisons idéologiques ont nourri leur antisémitisme, mais si Marx y fait du zèle, c'est pour une raison que Heine explique, en 1855: "Parmi les juifs baptisés, il y en a beaucoup qui, par une lâche hypocrisie, disent encore plus de mal d'Israël que ses ennemis par droit de naissance. De la même manière, certains écrivains ont soin, pour ne pas rappeler leur origine, de parler des juifs trés-défaborablement, ou de n'en pas parler du tout".
Ce n'est pas seulement la question du socialisme qui oppose radicalement Franck et Marx. Ces deux hommes sont des incarnations des deux approches diamétralement opposées de la question juive. En soi, cette question n'est pas le principal objet de notre étude, mais l'attitude du socialisme envers elle s'y attache de près. Car le rapport à la question juive, telle une pierre de touche, sert à la vérification de la nature de maintes idées, idéologies, ainsi que de la tolérance, de l'humanisme des Etats, religions et cultures.
4. Le socialisme et la question juive
On sait quel rôle capital la question juive avait joué dans l'histoire du christianisme et du national-socialisme. Dans la théorie et la pratique du socialisme, comme nous le verrons, elle a joué un rôle plus caché, et pourtant essentiel. Ce n'est pas pour rien si l'une des premières oeuvres de Marx fut le volumineux article Sur la question juive, et si l'une des dernières abominations de Staline fut le procès des docteurs juifs du Kremlin avec les préparatifs à la "solution finale" en Sibérie de la question juive.
Une brève analyse de cet essentiel article de Marx, que l'on a laissé intentionnellement dans l'ombre, nous dévoilera un côté dissimulé du socialisme, nous aidera à comprendre la nature de cette idéologie et à éclairer le mystère de ses "perversions", en complément aux arguments, que nous puiserons dans les oeuvres de Franck.
En automne 1843, quand Marx commence à prendre une teinte rougeâtre et l'habitude de cracher sur la société "bourgeoise", il répond au livre antisémite de l'hégélien Bruno Bauer La Question juive par un article encore plus antisémite Sur la question juive, qui sera publié l'année suivante à Paris dans la revue Annales franco-allemandes. Sans apporter comme preuve la moindre citation, le moindre chiffre, exemple ou argument de l'Histoire ou de la religion juives, Marx y fait des déclarations péremptoires:
"Quelle est le fond profane du judaïsme? Le besoin pratique, la 'cupidité. Quel est le culte profane du juif? Le trafic. Quel est son dieu? L'argent".
Affirmations absurdes... Est-ce que tous les Juifs sont des marchands, et tous les marchands des trafiquants? Est-ce que les Juifs sont le seul peuple à avoir des intérêts pratiques? Est-ce un terrible pêché que d'avoir des intérêts matériels? (Notons le paradoxe: ce reproche vient d'un fieffé matérialiste...). Est-ce que les intérêts spirituels sont absents justement chez ce peuple que l'on désigne comme le peuple du Livre (c'est-à-dire, de la Bible) et qui a derrière lui 2-3 millénaires d'alphabétisation générale et de lecture quotidienne des textes sacrés? "Les Juifs sont le peuple de l'esprit", constate le poète Heinrich Heine dans son essai Ludwig Börne, publié en 1840. "Un livre est leur patrie, leur bien, leur maître, leur bonheur et leur malheur. Ils vivent dans l'enceinte de ce livre, c'est là qu'ils exercent leur inaliénable droit de citoyenneté, là on ne peut pas les chasser, on ne peut pas les mépriser, là ils sont forts et admirables". Un autre poète, le catholique français Charles Péguy écrira, en 1914: "Le Juif sait lire. (...) Tous les Juifs sont lecteurs, tous les Juifs sont liseurs, tous les Juifs sont récitants. (...) Le Juif est un homme qui lit depuis toujours". L'écrivain catholique français Léon Bloy en 1892, dans son livre Salut par les Juifs, pas toujours aimable pour les Juifs, rendra pourtant hommage à l'apport du peuple juif dans l'élévation spirituelle de l'Humanité: "L'histoire des Juifs barre l'histoire du genre humain comme une digue barre un fleuve, pour élever le niveau".
Comment se peut-il que Marx, ayant connu de nombreux Juifs, n'a rien remarqué d'autre que la cupidité et l'immoralité, n'a repéré que des trafiquants dans ce "peuple grand et saint et éternel", peuple "de ces martyrs qui ont donné au monde un Dieu, qui ont promulgué le code éternel de la morale, et qui ont vaillament combattu sur tous les champs de bataille de la pensée"? - nous citons les Aveux (1854) de Heine, ami personnel de Marx pendant sa période parisienne (Heine aussi était juif - jusqu'à sa conversion, entreprise à son gré, par amour pour une chrétienne; mais même avant son baptême il était poète, et non pas trafiquant - Marx pouvait tirer de ce fait de tout autres conclusions...).
Une étrange odeur commence à se dégager du discours de Marx... Aussitôt après ses haineux préambules, il déclare, que "l'organisation de la société qui ferait disparaître les conditions du trafic (...) aurait rendu le juif impossible". Sous-entendu, que dans un régime socialiste, avec le commerce, on supprimera les Juifs... Après quoi Marx assure, que seule "l'émancipation de l'humanité du judaïsme" pourra émanciper les Juifs. Qu'est-ce que cela veux dire? Pas autre chose que cela: l'épuration de l'humanité du judaïsme est une condition de l'émancipation de tous les hommes... Les Juifs, c'est le mal suprême du monde, et les non-Juifs sont leur victimes innocentes... Donc les Juifs doivent être chassés de l'humanité en tant que Juifs. Ou en tant qu'êtres vivants, si cela est exigé par la Grande Cause de l'émancipation de l'humanité... Ce discours a une sonorité si hitlérienne, que, dans l'édition soviétique du texte, le rédacteur apeuré a rajouté en bas de la page une note, calmant le lecteur: soi-disant, "Marx avait en vu l'émancipation de l'humanité du trafic", non pas de la judaïté, et afin de le prouver, le rédacteur appelle à l'aide un mensonge, prétendant qu'au temps de Marx, le mot Jude était utilisé dans le sens "trafiquant". Mensonge incohérent! Car juste au-dessus, Marx utilisa dans son texte le mot Schacher pour désigner ce qui est traduit par trafic (et qu'il serait mieux de traduire comme spéculation, dans les sens "commerce malhonnête"). Or il est impossible de traduire le mot Judentum (judaïté) par trafic, pour lequel il y a en allemand pas moins de trois mots: Kramergeist, Kramerwesen, Schacherei. Dans aucune langue et à aucun moment les mots Juif et trafiquant n'avaient le droit d'être synonymes: depuis des lustres, partout, où il y avait des producteurs libres, existait le commerce, et il était exercé par tous les peuples, y compris ceux, parmi lesquels il n'y avait pas un seul Juif. Les hébreux, avant l'exode, étaient presque tous agriculteurs, éleveurs. Au siècle de Marx, parmi les Juifs de la diaspora (en majorité artisans, ouvriers, employés, médecins, avocats, musiciens) le métier de marchand n'était pas prédominant. Marx sait que l'abolition du commerce n'éliminerait en aucune manière la judaïté, et il veut libérer l'humanité précisément des Juifs. Il a choisi le mot Judentum consciemment, comme le confirme tout le sens et le titre de l'article (sinon, il porterait le titre: De la question marchande). Et ce qui suit, ne laisse pas le moindre doute sur cette interprétation.
Sur la même page, Marx s'associe à l'affirmation de Bauer, que "le juif (...) détermine par sa puissance financière le destin de tout l'Empire. Le juif (..) décide du destin de l'Europe". Mais, diable, c'est ce que l'on appellera plus tard un discours purement nazi! Hitler a sans doute étudié ce texte: il avouait bien dans son unique livre et dans ses conversations avec Hermann Rauschning, que lui, l'allié-rival de Staline, avait beaucoup emprunté chez Marx (ainsi que chez Lénine et chez les jésuites).
Ensuite, au lieu d'arguments, Marx répète de façon obsédante des propos sur "la domination pratique du judaïsme sur le monde chrétien". Il martèle, que "l'argent est le dieu jaloux d'Israël", que "la lettre de change est le vrai dieu du juif", que "la nationalité chimérique du juif est la nationalité du marchand", que la judaïté est parvenue "à la domination universelle", etc.
Catalogue terrible! Le Juif est donc le principal obstacle sur la voie vers le socialisme! Le principal pilier du capitalisme! Pire encore - il est le Maître du monde bourgeois, il tient entre ses mains "le destin de l'Europe"! Il est pire que l'incarnation du "trafic"! Il est Sa Majesté "le Pouvoir de l'Argent" en personne! Bref, le Juif est la personnification de l'argent, du capital, du commerce, de l'égoïsme, de la bourgeoisie, de la religion - exactement de tout ce qu'il faut détruire afin d'arriver au paradis collectif sur terre! Avant toute chose, il faut abattre le Juif, porteur de la "domination universelle". Liquider le Juif en tant que classe! (Eh oui, pour Marx les Juifs ne sont pas un peuple, une mosaïque sociale, mais une homogène et DOMINANTE classe sociale!). Ainsi, la question juive devient la question-clef de la transformation du monde. Et c'est Marx en personne qui l'affirme!..
C'est cela précisément que Hitler enfoncera dans les têtes en 1925 dans son livre Mein Kampf, pour justifier ensuite la nécessité "d'émanciper" l'humanité physiquement du judaïsme afin de construire le national-socialisme, où la nation, purifiée de toutes les souillures ethniques se fondera en un seul bloc monolithique de pureté cristalline sous la tutelle de l'Etat et de son Führer. Presque comme chez Marx!.. On peut dire que Hitler est un marxiste, sauf qu'il a appris le marxisme non pas selon le Capital, mais selon l'article Sur la question juive (quoique son Mein Kampf ne le cède en rien au Capital de Marx par le nombre de malédictions à l'adresse du pouvoir de l'argent, de la bourgeoisie et de la Bourse). Et ce n'est pas par hasard qu'Adolphe Hitler, ancien député du Conseil des soldats de la République soviétique bavaroise (qui a duré un mois avant d'être écrasé en mai 1919 par le pouvoir social-démocrate) avait d'abord donné à son parti le nom de social-révolutionnaire, avait choisi la couleur rouge pour le drapeau nazi. Et ce n'est pas par hasard non plus que de 1933 à nos jours, en Russie et ailleurs, les rouges et les bruns concluent si facilement des Pactes de non-agression, d'amitié ou de complicité...
Le national-socialisme et l'international-socialisme ont un idole commun - l'Etat tout-puissant, et l'ennemi commun - l'homme libre, indépendant. Les deux variantes du socialisme prétendaient à la domination mondiale. La réalisation réussie du programme de Hitler aurait sans doute eu comme résultat un monde, où tous les peuples soumis seraient fusionnés en une masse uniforme d'esclaves sans traits et cultures nationales sous le joug universel de la race "supérieure". De même, le triomphe total du marxisme en fin de compte aurait conduit à l'effacement forcé des frontières, des cultures nationales, à une transformation des peuples en un gris troupeau, composé des "hommes-nouveaux" collectivisés et uniformisés, avec une bouillie marxiste standardisée à la place du cerveau, troupeau conduit d'une main de fer par une "avant-garde" ou un peuple-"avant-garde". Le plus fidèle réalisateur des prescriptions du marxisme, l'ardent centralisateur Lénine a défini en février 1916 le but ultime du socialisme concernant la question nationale avec une franchise cannibale, à peine voilée par des ruses diverses dans son article La Révolution socialiste et le droit des nations à l'autodétermination. Il s'agit encore d'une LIQUIDATION. Et même de deux, comme nous le verrons. Rien d'étonnant - le socialisme ne fait rien d'autre, c'est son métier ordinaire:
"Le socialisme a pour but, non seulement de mettre fin au morcellement de l'humanité en petits Etats et à tout particularisme des nations, non seulement de rapprocher les nations, mais aussi de réaliser leur fusion. (...) De même que l'humanité ne peut aboutir à l'abolition des classes qu'en passant par la période de transition de la dictature de la classe opprimée, de même elle ne peut aboutir à la fusion inévitable des nations qu'en passant par la période de transition de la libération complète de toutes les nations opprimées, c'est-à-dire de la liberté pour elles de se séparer." (t.22, p.159)
La LIQUIDATION immédiate, par la collectivisation, des vieilles classes morcelées (afin de fabriquer une "nouvelle classe" monolithique de seigneurs...). Et ensuite la LIQUIDATION des peuples ayant avalé les appâts de la "période de transition"... La promesse de "libération complète" n'est qu'une astuce pour attirer les mouvements nationaux dans le piège de la révolution, du genre de l'attrape "Usines-aux-ouvriers" destiné au mouvement ouvrier. Cela ressemble à l'escroquerie des collectivistes, couverte de slogan "Terre-aux-paysans", dans la question agraire: au début, ils promettent et réalisent effectivement la distribution des terres, puis ils arrachent TOUTE la terre sous les pieds des paysans, en les transformant en serfs d'Etat. Autrement dit, ils liquident la paysannerie en deux tours de passe-passe, comme doit être liquidé la judaïté et tous les autres éléments du "vieux monde". Ecartez les fables sur le caractère "transitoire" de la dictature totalitaire, liberticide (sous laquelle les nations seront ... "libres"), et vous comprendrez ce que peuvent en attendre les classes, la démocratie, la liberté, les peuples... Vous comprendrez pourquoi, grâce à la politique nationale des apparatchiks, les peuples avaient commencé à oublier leurs langue, religion, histoire, frontières, fêtes, monuments, traditions; pourquoi les républiques nationales étaient peuplées par des ethnies étrangères, pourquoi elles subissaient recoupages arbitraires de frontières, fusions, déportations, et pourquoi en notre temps l'oxygène de la liberté avait enflammé le nationalisme défensif des peuples, tentant de s'arracher de toutes leurs forces du noeud coulant de la "fusion" socialiste... Ils ne veulent plus que leur destin soit décidé "au centre" et qu'ils soient pillés par le "centre". Ils ne veulent ni fusion ni dilution ni LIQUIDATION. Car le socialisme, selon sa propre définition, est un programme de TABLE RASE - de balayage brutal de tout ce qui était sur "la table" (ou sur les Tables de la Loi), plan de démolition du vieux monde, de tout ce qui est humain, divisé, personnel, multiple, multicolore, original et indépendant. Au nom de la "fusion" nivellatrice... C'est pourquoi les "antiracistes" nivellateurs sont plus dangereux pour la survie des peuples que les racistes francs. Car physiquement, à la manière raciste, il est impossible de faire disparaître sans traces un peuple. Idéologiquement, en détruisant une culture, en effaçant l'idée nationale, c'est possible... C'est une méthode de liquidation beaucoup plus efficace...
Concernant les Juifs, la position de Lénine a été définie déjà le 22 octobre 1903. Après la rupture avec le Bund juif, il a formulé de façon marxiste, à la hache, la "solution finale" de la question juive:
"Absolument inconsistante, au point de vue scientifique, l'idée d'un peuple juif spécial est, par sa portée politique, réactionnaire. (...) L'idée d'une nationalité juive contredit les intérêts du prolétariat juif(...)." (t.7, p.98, 99)
A cette époque, Léon Trotsky, alias Leiba Bronstein, invente (selon le témoignage du leader du Bund V.Medem) une nouvelle nationalité, en se déclarant être ni Russe ni Juif, mais seulement social-démocrate... Cet ex-Juif, adjoint de Lénine en 1917-1920, expulsé en 1929 de sa patrie par ses rivaux et par la haine antisémite, continuera encore en 1933 à soutenir l'idée communiste antisémite, en écrivant que même le projet d'une "autonomie nationalo-culturelle", non territoriale des Juifs est une "utopie réactionnaire".
Mais le Bund, qui représentait les intérêts de nombreux travailleurs manuels (37% des Juifs russes étaient ouvriers et artisans) avait une toute autre opinion, et ne voulait nullement voir le peuple juif "se fondre", se diluer et disparaître le premier. Ce refus du programme marxiste de fusion, en commençant par la "fusion" des fractions nationales du parti, a transformé les bundistes de SOCIAL-"démocrates" en "social"-DEMOCRATES, ayant naïvement posé la démocratie comme condition incontournable du socialisme. Les mencheviks suivront plus tard leur exemple. Or le bolchevik Lénine, connaissant parfaitement la nature cachée du socialisme, avait bien compris, et le déclarait avec colère à maintes occasions, que cette condition (une vraie démocratie!) est inadmissible, qu'elle rend le socialisme impossible, et que cette exigence "bourgeoise" de la liberté relève d'un comportement de renégat. Car le renoncement à la dictature, c'est le renoncement au socialisme lui-même. Il périt de la liberté. La pratique des "social-traîtres" occidentaux le confirme - quand ils n'étaient pas poussés par les communistes ou les gauchistes vers la dictature, ils n'ont réussi nulle part à créer de socialisme stable. C'est pourquoi Lénine a contracté une haine implacable envers les "renégats" mencheviks et, une fois au pouvoir, sa persécution était beaucoup plus féroce envers eux qu'envers les opposants bourgeois.
En ce qui concerne la haine particulière des socialistes envers les "trafiquants", elle s'explique aisément - le commerce libre est incompatible avec l'économie monopolistique du socialisme. C'est pourquoi les socialistes ont proclamé, que le commerce est un travail improductif... En réalité, c'est un travail normal (et même physique, dans une importante proportion), de la catégorie des services. Mise à part les criminels, tous les hommes libres ne font que cela: ils échangent services, idées, connaissances, marchandises (et en le faisant, par intérêt "égoïste", ils se comportent généralement comme les plus grands altruistes, car on ne dégage pas de profit, si l'on ne rend pas de service au prochain...). Or tous les services utiles sont "productifs" - matériels ou immatériels, physiques ou intellectuels (et plus le pays est développé, plus grande y est la part du travail intellectuel et immatériel). Mieux encore, le commerce est un travail particulier, embrassant tout, une clef du travail libre, son but, sa condition, sa conséquence, son organisateur et régulateur. Dans toute économie non-monopolistique, un réseau dense de commerce, incité par la concurrence, sans le moindre organe central, mesure diligemment les besoins, règle les prix, distribue les commandes, planifie la production, la conservation et le transport, encourage ou punit le producteur et l'Etat, exécute toutes les consignes, et même les caprices du consommateur. "L'anarchie" du commerce est la mère de l'approvisionnement ordonné. Anéantir le commerce, c'est asservir le producteur libre, revenir à l'âge des cavernes de l'économie primitive ou au travail forcé, à la dépendance totale de l'Etat, au régime de pénurie chronique et de planification centrale écervelée. Ecervelée, puisque centrale: même dix millions de fonctionnaires du Plan d'Etat et du Commerce d'Etat ne pourraient jamais satisfaire les innombrables, les plus menus besoins du consommateur aussi promptement et infailliblement que ne le font des millions de commerçants indépendants. Non, Messieurs les socialistes! Le commerce n'est pas un crime et le commerçant n'est pas un homme à abattre. Même si tous les Juifs étaient de commerçants, on n'aurait rien à leur reprocher à ce titre. S'ils ne manquaient pas de clients dans les pays antisémites, c'est qu'ils étaient de bons commerçants, pas moins honnêtes et peut-être moins chers que leurs concurrents non-Juifs. S'en prendre aux seuls Juifs-commerçants, c'est faire de l'antisémitisme, sinon du national-socialisme. S'en prendre au commerce en général (donc au marché, à l'argent, à la concurrence), c'est réaliser le socialisme. Et dans les deux cas, Messieurs les socialistes, vous enclenchez un mécanisme criminel, vous étranglez la liberté!
A partir du début 1918, Lénine avait étranglé le commerce privé moyennant 39 décrets (y compris celui, qu'il a signé personnellement le 21 novembre 1918, sur le monopole total de l'Etat). Par cette seule mesure il a transformé le peuple en esclave d'Etat, et l'Etat - en fournisseur et "nourrice" monopolistique, donc exécrable, devenu en fait distributeur des biens pillés. Après cette interdiction, les artisans avaient croisé les bras, la qualité de toute fabrication est devenue détestable, et les paysans ont cessé de semer plus qu'il n'avaient besoin pour leur propre consommation. Les villes sont restées sans pain, il a fallu donc recourir aux réquisitions terroristes (avec prise d'otages systématique), et avec elles, la famine est devenue générale. Tout cela n'était pas une conséquence d'une "déviation", de quelques mesures exceptionnelles du communisme "de guerre", forcées par les conditions de la guerre civile. Non, c'était un résultat normal des mesures normales de réalisation du socialisme pratique. La guerre civile, la famine et la ruine elles-mêmes n'étaient que les résultats de ces mesures, surtout des mesures tendant à étrangler le producteur libre, après l'étranglement définitif de la démocratie (abattue en janvier 1918, le jour de la dispersion de l'Assemblée constituante par décret de Lénine). Quant à l'invention du terme "communisme de guerre", ce n'est qu'une astuce pour mettre sur le dos de circonstances exceptionnelles toutes les cruautés et destructions, engendrées par la marche planifié vers le socialisme, c'est-à-dire par l'édification du Super-Etat collectiviste (par contre, dès que le décret de 1921 sur la NEP, "Nouvelle" Politique Economique, a suspendu cette marche forcée et permis le travail et le commerce libres, à la mode ancienne, la guerre civile s'est arrêtée aussitôt, et le pays s'est remis rapidement sur ses pieds, - jusqu'à la nouvelle coercition...).
Après un demi-siècle ou trois quarts de siècle de travail de bagnards, après une longue époque de privations, de consommation "économe", misérable pour deux-trois générations, tout pays socialiste s'est retrouvé à l'état de mendiant en haillons. L'une des raisons de cette faillite gît dans le mépris de gauche envers le commerce, l'économie marchande et, en général, dans la stupide croyance en la vieille théorie sur les classes "parasites". Surtout la croyance en sa variante "scientifique", en la théorie marxiste de la plus-value. Selon elle, seul "l'ouvrier-au-marteau" ou le "laboureur-au-champ" crée de la plus-value, et tout travail qui "ne-transforme-pas-la-matière" relève de frais non-productifs... Dupés par le marxisme, maints économistes avaient rejeté cette vérité simple: dans une économie normale, l'homme rend des services, produit de l'utilité, et non pas des boulons et des écrous.
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Tels sont les prémisses théoriques de l'attitude démente de toutes les variantes du socialisme autant envers les Juifs, qu'envers le "trafic" ou le capital. Une intolérance commune du socialisme et du national-socialisme envers la judaïté est une preuve supplémentaire de leur parenté. Au fond, pour leurs pleine réalisation, les projets des deux fanatiques de l'Etat - de Marx et de Hitler - exigeaient l'accomplissement de trois conditions, ou plutôt trois liquidations associées:
- liquidation de la personne humaine en tant qu'être indépendant, singulier, pensant librement, et son remplacement par un "homme-nouveau" socialisé (en latin, homo novus), autrement dit, une transformation des hommes en instruments, et de la société pluraliste en troupeau uniforme et obéissant (Hitler avait ainsi définit son but, qui est, au fond, le principal but du socialisme: "Nous socialisons les hommes");
- liquidation du bourgeois, en sa qualité de cellule économique indépendante (liquidation pas seulement et pas tant du capitaliste, que de tout travailleur indépendant - paysan, artisan, commerçant, professions libérales);
- liquidation du Juif, de cette incarnation de l'élément difficilement soluble dans la masse, homme "autre", particulier, avec une histoire particulière, une religion à part, avec cet habitude "talmudique" de poser des questions, de vérifier les idées, les idéologies, et d'avoir en tout son opinion particulière; homme ancien, éternel, formé depuis l'antiquité à être responsable devant sa conscience et Dieu, et non devant une Eglise ou un Parti, - suivant toutes ces raisons, le Juif n'est pas une bonne matière avec laquelle on peut couler un homo novus, tant qu'il ne renonce pas à sa judaïté (c'est un fait significatif: les Juifs-communistes non seulement renoncent à leur religion, à leur nationalité, mais changent souvent leur nom, qui rappelait leur origine juive, et rompent tous leurs liens avec la judaïté, se repeignent de la couleur grise des masses sous le drapeau rouge, donc cessent, au fond, d'être Juifs).
Hitler a commencé par la liquidation de la personne humaine, puis il est passé à la liquidation des Juifs. Il a totalement soumis la bourgeoisie, mais l'a conservée temporairement, pour utiliser son efficacité dans le but du réarmement rapide. S'il avait vaincu dans la guerre, les jours des bourgeois auraient été comptés. Le caporal Hitler haïssait les bourgeois, ces hommes indépendants, cultivés, et le tout-puissant Etat national-socialiste, avec son robuste appareil de Parti, n'en aurait plus eu besoin. Il n'avait pas le temps de réaliser un autre point de son programme: "Extirper le christianisme", encore un point qui est commun aux communistes et aux nazis.
Lénine et Staline, réalisateurs du projet de Marx, avaient commencé par la liquidation du bourgeois, puis ils ont entrepris la liquidation de la personne humaine par les méthodes de collectivisation et de lavage de cerveau. Le tour du Juif était déjà venu dans la deuxième décennie du socialisme, dans la période de liquidation du "trotskisme", prolongée par la Grande "Purge" (mot trompeur, qui dans ce cas désigne non pas tant l'éradication de la saleté, mais au contraire, de tout ce qui est pur ou insoumis). En ce temps, sous le couvert du chahut général, le pogrom de la culture juive avait commencé, et un balai de fer avait éjecté presque tous les Juifs des sommets de la nomenklatura (dans la terminologie de Hitler, les sommets sont devenus Judenfrei - "émancipés" des Juifs...). Après la victoire de Staline sur Hitler, son rival pour la domination mondiale, le malin Führer rouge avait, à partir de 1948, sournoisement poursuivi la déjudaïsation, déguisée en campagne contre les "cosmopolites" (tous, comme par hasard, avec des noms juifs...). Dans cette malodorante campagne, le Juif (souvent soupçonné - non sans fondement - de péchés mortels: amour de la liberté, sympathie pour la démocratie occidentale et pour Israël) était peint en agent de la bourgeoisie, en espion, traître, contre-révolutionnaire. Ayant commis l'assassinat perfide du président du Comité antifasciste juif, l'acteur populaire Mikhoëls, ainsi que l'exécution de près de 400 écrivains et autres intellectuels juifs, qui avaient des liens internationaux avec leurs collègues, l'appareil du Parti-KGB a fabriqué "l'affaire des docteurs" (essentiellement sélectionnés dans l'élite médicale des docteurs-Juifs des cliniques du Kremlin). Dans cette affaire, les Juifs étaient représentés comme l'incarnation du Mal, comme des "assassins en blouses blanches", préparant la mise à mort de Staline et d'autres bonzes du régime. Dans tout le pays, les Juifs en blouses ou sans blouses étaient chassés de leur postes ou persécutés de tel façon, que maints Juifs étaient acculés à dissimuler leur judaïté, comme une lèpre, et ceux, rares (par exemple, les ex-citoyens de la Pologne), qui pouvaient recevoir le permis d'émigration, quittaient la patrie-marâtre.
A une réunion du début 1953, le Politburo décida de déporter tous les Juifs en Sibérie, notamment vers les marécages du Birobidjan. L'affaire des docteurs était le premier acte d'un scénario diabolique, conçu et préparé dans les hautes sphères de l'Appareil non sans la participation du Guide lui-même. Le deuxième acte prévoyait les préparatifs à la pendaison des docteurs juifs sur la Place Rouge. Mais juste avant l'exécution, la foule était censée déchiqueter, mettre en charpies les condamnés, malgré la "résistance" de la garde. Le troisième acte: une série de pogroms antijuifs "spontanés", commis par le peuple furieux (le KGB a rédigé d'avance la liste des adresses de Juifs, que les pogromistes devaient "visiter", et la milice prépara des listes de tous les Juifs et demi-Juifs). Après les pogroms, on a prévu le dépôt par des Juifs, sous forme d'une lettre à la "Pravda", d'une "demande de protection", avec "l'aveu" de leur contamination par le nationalisme bourgeois et de la nécessité de leur déportation pour "rééducation" (la lettre était déjà rédigée et signée!). Sous ce prétexte, l'acte final serait réalisé: une déportation précipitée, massive des Juifs et des demi-Juifs presque sans bagages, sans vêtements chauds, vers la mort blanche (la mort précisément, car on excluait une autre et simple possibilité de se débarrasser des Juifs: les laisser partir ou les expulser vers Israël). On préparait fébrilement des milliers de wagons à bestiaux, des milliers de baraquements pour le nouvel Auschwitz. Un livre du philosophe et rédacteur en chef de la revue Problèmes de philosophie Dmitri Tshesnokov, justifiant la déportation par des arguments marxistes-léninistes, était déjà imprimé et prêt pour la diffusion. Mais à ce moment précis, où la hache du bourreau se levait au-dessus de la tête de l'ensemble des Juifs soviétiques, un miracle s'est produit: en mars 1953, Staline est mort (sûrement sans l'aide des docteurs juifs: pour son malheur, en ce moment crucial, ils étaient tous enfermés dans les prisons ou les chambres de torture...). La réalisation du scénario a été ajournée... Quant aux héritiers du Führer rouge, ils se sont limités à la destruction totale de la culture juive. Car ils avaient une multitude de problèmes plus urgents, surtout le problème du sauvetage du socialisme de son écroulement général, dont le premier symptôme était le soulèvement des prolétaires de l'Allemagne de l'Est contre la dictature "du prolétariat" trois mois après la mort de Staline...
On le voit bien: quoique le projet du jeune Marx de "solution finale" de la question juive était pudiquement caché des regards de l'opinion publique, il constituait une partie inséparable du programme de réalisation du Paradis collectif sur terre par les continuateurs de Marx, son Génial Architecte. On pourrait nous objecter, que cette oeuvre fasciste de Marx n'est qu'un fruit de l'égarement du à la jeunesse, en ce temps où le Grand Génie n'était pas un communiste accompli et ne s'était pas encore changé en internationaliste fervent. Et donc que cette lavasse antisémite n'a rien à voir avec le socialisme. Telle est, par exemple, l'opinion du philosophe français Robert Misraï, croyant en un socialisme "pur" - opinion, qui ne l'a pas empêché de faire en 1972 une excellente analyse du caractère lugubrement antisémite de l'article de Marx.
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Bien, cela arrive, qu'un homme pèche pendant sa jeunesse, puis devient raisonnable (mais quant à Marx, les "épurateurs" du marxisme disent souvent le contraire - qu'il était, soi-disant, dans sa jeunesse un "véritable" socialiste-humaniste, semeur du paradis terrestre, et qu'il ne s'est "dégradé" qu'après, en devenant le Père du goulag, de l'enfer terrestre...). Il est très facile de vérifier cette thèse sur l'absence des liens entre le socialisme et l'antisémitisme et sur la renonciation de Marx au péché de jeunesse (péché assez tardif, il faut le préciser: "l'adolescent" avait 25 ans au moment du forfait!). Il suffit d'examiner la position des Apôtres du marxisme sur la question juive dans les années postérieures. Mettons, après leur Manifeste de 1848, quand leur foi socialiste était déjà bien mûre, comme leur âge. Nous nous limiterons à quelques exemples parmi des centaines de possibles.
Dans la Nouvelle Gazette rhénane du 17 novembre 1848, dans l'article Les Confessions d'une belle âme, Marx affirme, que "les Juifs (...) ont pris partout la tête de la contre-révolution". Souligné par Marx: EN TÊTE... Et PARTOUT! Pour un révolutionnaire, c'est plus terrible que cette thèse-là: "Il y a des Juifs aussi dans le camp de la contre-révolution". Pire! Ils la dirigent! Partout, et eux seuls! Conclusion? Staline l'a tiré...
En 1850, dans le livre La lutte des classes en France, Marx invente une formule purement hitlérienne: "La France des Juifs de la Bourse". Son sens est simple: la Bourse est entre les mains des Juifs, la France est tenue par la Bourse, donc les Juifs sont les Maîtres de la France!.. Mais ne cherchez pas cette formule hitlérienne dans l'édition russe-socialiste! Vous y trouverez une traduction truquée: "La France des affairistes de la Bourse". Tout dans le socialisme devient faux, mensonger, même Marx - maquillé, retouché. Les petites moustaches de Hitler et les grosses moustaches de Staline se fondent dans la grosse barbe de Marx... Voilà un exemple de plus dans la série des traductions faussées, dont les apparatchiks sont de grands maîtres: dans la première des Thèses sur Feuerbach (1845), Marx parle de la "schmutzig-judisch" (sale-juive) forme de la pratique humaine. Les falsificateurs soviétiques avaient traduit: "sale-marchande" (t.3, p.1).
Dans le premier tome du Capital, né en 1867, à la fin du ch.IV, l'argent est assimilé aux "Juifs intérieurement circoncis". L'argent, ce sont de méprisables Juifs, et les Juifs, c'est le méprisable argent - une idée de jeunesse, que Marx n'abandonnera pas jusqu'au tombeau: trois éditions du Capital sortiront encore de son vivant, mais jamais il ne supprimera cette formule, aussi abjecte qu'insensée. Par contre, à notre époque (et cela en Occident libre!), dans les éditions françaises de gauche - et même celles qui ne sont pas de gauche - la compromettante formule sera carrément effacée par des escrotraducteurs de gauche...
Dans les textes destinés à la publication, les deux Défenseurs patentés des humiliés et des offensés se retenaient quelque peu. Mais dans leur correspondance mutuelle, ils crachaient sans gêne sur le plus persécuté des peuples de la terre. Dès qu'il fallait mentionner un Juif, sa nationalité était soulignée obligatoirement dans des tonalités ou des formes offensantes: "le Juif Reuter", "ce Juif Horn", "ce maudit Juif Fridlander", "le petit Juif Bernstein".
Le 14 avril 1870, Marx écrit à Engels au sujet du "petit Juif" Frankel et le jour suivant Engels qualifie le même Frankel de "youpin tout craché"". Dans la traduction soviétique, l'offensant terme Jidsche se transforme en simple "petit Juif"... Lassalle, devant lequel Marx faisait des courbettes, en lui soutirant de l'argent et toutes sortes de services, dans les lettres de Marx à Engels n'était nommé autrement que "youpin, Itzig, Ephraïm", etc. Quatre ans avant sa mort, Marx est toujours dévoré par cette envie irrésistible de mordre les Juifs... Le 25 août 1879, de la station balnéaire de Ramsgate, il se plaint à Engels: "Même ici il y a plein de puces et de Juifs". Des insectes nuisibles...
Engels ne lui cède en rien dans son antisémitisme. Dans l'article La Posnanie de la Nouvelle Gazette rhénane du 29 avril 1849, il parle des Juifs polonais comme de la "race la plus crasseuse de toutes" (dans la trucotraduction soviétique, la plus sale RACE se change en "l'espèce la plus détestable") (t.6, p.488). Ah, qu'il serait ravi d'apprendre, que moins d'un siècle après, la Pologne est devenue Judenfrei ! C'est-à-dire, épurée de 3,5 millions de spécimens de cette sale "race", d'abord par la "purge" nazie sanguinaire de 1939-1944, puis par l'émigration après les pogroms rouges de 1946 contre les survivants, et enfin (après la tentative du peuple polonais de jeter à bas le joug rouge en 1968) par une sauvage et officielle campagne antisémite, ayant chassé du pays le reste des Juifs, qui n'avaient pas émigré plus tôt, parce que leur amour de la patrie polonaise était plus fort que leur écoeurement envers le vil régime socialiste.
Engels ne se gêne pas dans ses lettres à Marx. Chez lui Lassalle est un "youpin crasseux", "vulgaire youpin", "youpin polonais" (Schmuhl ou Jud - et la traduction soviétique transforme ces insultes en terme biblique, innocent, même fier: un hébreux) (t.29, pp.24, 33). Le 25 juin 1860, Engels peste contre "l'arrogance juive" de Lassalle, et le 18 mars 1875 il râle contre les lassalliens qui tiennent à leur programme, "comme le Juif Shylock tenait à sa livre de chair humaine" (dans la traduction-trahison soviétique on lit: "l'usurier Shylock") (t.34, p.105).
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Le cas de Shylock mérite une attention particulière. Cet usurier, personnage principal de la pièce de Shakespeare Le Marchand de Venise, écrite en 1596, est devenu un symbole de la rapacité des Juifs, même de leur soif du sang. Shylock a prêté au marchand chrétien Antonio une importante somme d'argent sans intérêt, mais avec pour gage une livre de ... chair d'Antonio. Pourquoi une telle transaction? Parce que le farouche antisémite Antonio a offensé Shylock en sa qualité de juif, il a craché dans sa barbe, sur sa capote juive, l'a traité de chien, exprimait, comme se plaignait Shylock, une haine envers "notre saint peuple" (dans la pièce, Antonio et ses amis chrétiens ne se gênent pas d'employer les termes antisémites). Shylock voulait se venger sur Antonio, et sa haine née des offenses est devenue inexorable, quand il a appris, que sa propre fille s'est enfuie avec un des amis d'Antonio, en lui volant à lui, Shylock, son argent et ses bijoux. Comme Antonio en faillite n'était pas capable de lui rendre la dette dans le délai convenu, Shylock réclama, devant le tribunal, le gage terrible, cette légendaire livre de chair... Les amis d'Antonio, moyennant une supercherie, en envoyant un faux juge, font rejeter la requête de Shylock et le font condamner, en tant qu'étranger, ayant attenté à la vie d'un citoyen de Venise, à la confiscation d'une moitié de ses biens, à sa conversion forcée au christianisme (devenir chrétien est donc une punition?..) et au transfert du reste de ses biens par testament au profit de la fille, qui l'avait volée! Dans la pièce de Shakespeare, comme nous le voyons, aucune des deux parties n'avait le monopole de la bassesse, et il n'est pas facile de distinguer, qui est la victime et qui est le rapace... Mais celui qui y est trompé, plusieurs fois volé, ruiné, c'est sans doute possible Shylock, et lui seul.
Nous sommes tout à fait d'accord avec Shakespeare, s'il veut prouver, que la bassesse est partagée très équitablement entre tous les peuples, sans exclure, mais sans privilégier le peuple juif (n'est-ce pas pour cette raison que l'auteur à mis dans la bouche de Shylock, outragé dans sa dignité, le discours enflammé de la 1e scène du 3e acte, proclamant, que les chrétiens et les juifs ont le même sang, les mêmes souffrances, les mêmes passions?). On peut pourtant regretter, que cette idée est à peine effleurée, et que peu de gens voient en Shylock une victime de l'antisémitisme, ou du moins de son fruit empoisonné. Le spectateur mal informé retient une seule image: un JUIF assoiffé de sang. Et une conclusion lui est imposée, cette même conclusion que fait Marx dans son haineux article: tous les Juifs sont des Shylock, bons pour l'extermination. Conclusion d'autant plus monstrueuse, que le réel "Shylock", qui a servi à Shakespeare de modèle était ... un chrétien!
Le chercheur allemand Hermann Sinsheimer avait étudié l'arbre généalogique du personnage de Shylock dans un livre spécial. La légende sur la livre de chair est née il y a belle lurette, en maintes variantes. Dans les légendes hindoues, perses et byzantines on évoque des hommes saints, qui offraient leur chair aux rapaces affamés afin de sauver des animaux innocents. Il y a dans le Talmud une histoire où Moïse, ayant reçu de Dieu le commandement "Tu ne tueras point", préféra offrir sa poitrine au bec d'un aigle affamé, pour, sans tuer l'aigle, sauver de ses griffes un agneau (c'est bien cela, - l'abnégation, le respect de la vie et de la nature, et non pas la rapacité, la soif du sang, camarade Marx, que leur religion enseigne aux juifs!). L'idée de l'offrande de sa chair est probablement passée de ces légendes dans le domaine des relations financières. Par une voie détournée.
La religion chrétienne a longtemps, jusqu'au 19e siècle, condamné l'emprunt avec intérêts (bien que la loi ne l'interdisait pas, et les usuriers-chrétiens existaient toujours). On n'a donc pas toujours appliqué cette forme d'emprunt, où les intérêts seuls jouaient le rôle d'assurance contre le risque de pertes, causées par le non-remboursement des dettes. Pour ne pas enfreindre l'interdit moral, et obtenir pourtant une solide garantie du retour de la dette, dans la réalité, et non pas dans les légendes, on inventait de différentes variantes de gages. Dans certains cas, le débiteur insolvable devenait esclave du créditeur, dans d'autres, la femme du débiteur servait de gage. Est-ce plus moral que de prélever des intérêts, servant à la fois d'assurance contre la perte du capital emprunté, et de récompense pour le service appréciable? Certainement pas! C'est justement parce que la religion juive n'a pas d'interdit strict de prêter à des non-Juifs avec intérêts (donc à des conditions plus humaines, comparativement à la prise en gage de la femme de l'emprunteur...) que l'on préférait s'adresser aux Juifs pour emprunter. Pour cette raison l'activité bancaire est devenue l'une des professions - mais nullement un monopole - de ce peuple.
En ces temps, apparemment, quelque créateur de légendes avait eu l'idée de remplacer la femme, en guise de gage, par la chair du débiteur, et ainsi est née au 12e siècle en France une légende, semblable à l'histoire du Shylock, mais le premier "Shylock" était un catholique pur sang! Dans cette légende française on parlait aussi d'une vengeance: l'ancien serf d'un chevalier se venge ainsi pour une mutilation causée par son maître à un moment de colère. Un siècle après, la légende a été publiée en latin dans le recueil Gesta Romanorum, traduit ensuite en anglais. Shakespeare avait emprunté de la légende la version de la livre de chair et celle du faux juge (la femme du débiteur, déguisée en juge, deviendra chez Shakespeare la femme d'un ami du débiteur). Il a aussi copié presque littéralement la sentence du pseudojuge. A ces éléments de la légende, Shakespeare a mêlé aussi dans sa pièce une autre légende de ce recueil, celle des trois coffres. En outre, d'un recueil des contes de l'écrivain Giovanni Fiorentino de Florence, publié en 1378, Shakespeare a pris l'histoire des bagues, une série des détails, y compris le nom du château Belmont. Chez Fiorentino aussi on trouve une réplique de la légende française sur la livre de chair, mais il a transformé l'usurier-catholique en usurier-juif, en cédant à l'esprit malsain de l'époque: alors, les Juifs étaient cruellement persécutés, accusés de tous les péchés (notamment, on leur attribuait la criminelle diffusion de la peste, car eux, qui observaient les règles religieuses de l'hygiène, - notamment, le lavage des mains avant tout repas, le contrôle communautaire de l'abattage du bétail, - tombaient malades plus tard que les non-juifs, mais, évidemment, étant tous des habitants des villes surpeuplées, ils ne pouvaient se sauver de la peste et avaient moins que tous l'envie de la diffuser). Shakespeare connaissait donc les deux versions - l'original français et la copie italienne... Pourquoi a-t-il choisi non pas l'original, mais la copié défigurée?
Quand Shakespeare écrivit sa pièce, il fut sûrement influencé par deux événements. D'abord par l'immense succès en 1592-1596 d'une pièce antisémite de son prédécesseur et rival, le dramaturge anglais Christopher Marlowe, mettant en scène un cruel usurier-Juif Barabas. En outre, Shakespeare était baigné de la terrible atmosphère de battage antisémite autour de "l'affaire des docteurs" de l'époque, c'est-à-dire de l'affaire de Roderigo Lopez, médecin personnel de la reine Elisabeth Ire. Ce Juif portugais, converti au christianisme, était accusé d'espionnage au profit de l'Espagne, ainsi que d'intention d'empoisonner la reine et son favori, le prétendant au trône portugais Don Antonio de Crato (ce n'est pas par hasard que Shakespeare a donné le nom d'Antonio à la "victime" d'un Juif). L'accusé Lopez était présenté à l'opinion publique non pas comme chrétien, mais comme un Juif perfide (même de nos jour, certains historiens l'évoque en tant que Juif tout court). Après un ignoble procès de six mois et des tortures atroces, le pauvre vieillard malade Lopez fut soumis en 1594 à une exécution d'une cruauté inimaginable. C'est ainsi que le meilleur médecin d'Angleterre (si cet immigré n'avait pas été le meilleur des médecins, il ne serait pas devenu le Docteur de Sa Majesté) était remercié de ses 8 ans de soins incessants pour la santé de la reine et de ses courtisans, y compris de son "Beria" - le compte d'Essex, qui a manigancé toute cette sale affaire. (Faut-il ajouter que l'examen postérieur des dossiers du procès et des archives espagnoles avait démontré la totale innocence de Lopez?).
Voilà dans quelle ambiance Shakespeare (comme Fiorentino) a fait ce choix lâche, agréable aux foules fanatiques: mettre l'affaire de la livre de chair non pas sur le dos d'un usurier-serf catholique enrichi, mais sur le dos d'un usurier-Juif, c'est-à-dire sur le dos de tous les Juifs. Car les Juifs ont un privilège, dont ils cherchent à se débarrasser depuis longtemps: on n'applique pas à leur égard le sacré principe de la responsabilité individuelle. Tous les Juifs en vrac répondent pour les vilenies de chaque Juif (seulement pour les vilenies: les éloges et les récompenses à l'ensemble des Juifs ne sont pas de mise pour les mérites, exploits, oeuvres et découvertes des éminents Juifs isolés)... Shakespeare a transformé Shylock de chrétien en juif, justement parce qu'il est facile de charger les Juifs d'une culpabilité collective. Le personnage-symbole de sa pièce, qui est passé aux générations futures ce n'est pas Shylock, un type d'homme rancunier ou avide, mais le JUIF-Shylock, personnification du méprisable petit peuple-rapace... Car personne, en évoquant un personnage-type vicieux ne dit: l'Allemand-Münchhausen, l'Espagnol-don-Juan, le Français-Tartuffe, Harpagon ou Grande, le Russe-Plushkine, Oblomov, Manilov ou Derzhimorda. Tout le monde sait que menteurs, dépravés, avares, hypocrites, paresseux, goujats, etc. ne manquent dans aucun peuple, et que les vices ne sont pas un problème national, mais universel. Tout le monde le sait, néanmoins à ce nom de Shylock on colle immanquablement - ouvertement ou en pensée, avec malignité ou condescendance - JUIF! Ou encore mieux: YOUPIN!...
Pourtant, un autre choix existe, dans la littérature du monde chrétien. Par exemple, l'image du marchand juif Nathan le Sage, héros attachant, bon, généreux, fraternel de la grande pièce portant son nom et présentée dès 1779. Son auteur, l'écrivain allemand Gotthold Lessing, est un de ces chrétiens, dont le Christ serait fier. Le sage Lessing rappelait dans ses oeuvres cette vérité: avant d'être chrétien, juif, musulman, etc., chacun est surtout un homme, soumis aux devoirs de la morale, dont les bases sont communes pour tous les hommes.
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Mais ce n'est pas le Juif fraternel Nathan le Sage qui intéressait les socialistes. Pour symboliser l'Ennemi, ils ont choisi le "sangsue" Shylock - marchand et usurier, alliage du capital commercial et financier, ainsi que du Mal à l'état pur. Surtout parce qu'il est Juif. Il y a longtemps, bien avant Marx, que les socialistes avaient fait ce calcul: la Cause du socialisme sera à moitié gagnante, si dans l'opinion publique l'ennemi du socialisme, le Capital, sera représenté non pas sous les traits d'un énergique et efficace entrepreneur ou commerçant, - inventeur, créateur, bâtisseur, mais sous l'apparence d'un Juif-sangsue, contre lequel la haine pour son "crime de Déicide" a une tradition millénaire. Voilà pourquoi, afin d'arracher la tête au capitalisme, le socialisme s'est cramponné à la barbe du Juif. Jusqu'à la fin du 19e siècle, les socialistes considéraient les antisémites comme leur alliés dans la lutte contre le Capital, et on pourrait énumérer une multitude de déclarations et d'actes antisémites des socialistes.
En Russie, après l'assassinat du tsar Alexandre II par les terroristes du groupe la Volonté populaire, tout le pays connaissait les assassins. L'un d'eux avait péri de sa bombe le jour même, le 1er mars 1881, les cinq autres ont été pendus publiquement un mois après. Tous étaient des chrétiens de nationalité russe. Une Juive, Ghessia Ghelfman avait participé au complot: les assassins se réunissaient dans son appartement. Elle aussi fut condamnée à mort, mais, étant enceinte et défendue par l'opinion mondiale, notamment par Victor Hugo, elle fut graciée par le nouveau Empereur Alexandre III. Aussitôt tout le pays fut traversé par une vague de pogroms. Pogroms russes?.. Evidemment, pas! Pogroms juifs!.. Et ils duraient plus de trois ans! Bien que le programme de la Volonté populaire ne pouvait en aucune manière être considéré comme juif (comme nous le verrons, il était plutôt antisémite!), et que dans la composition de cette organisation, parmi les milliers de membres, les Juifs étaient rares et jouaient un rôle secondaire, on a répandu des rumeurs, selon lesquelles l'assassinat du tsar avait été l'affaire des Juifs... Il est difficile d'indiquer la source des rumeurs, mais selon les rapports de la police on trouvait assez souvent dans les lieux des pogroms des membres des organisations révolutionnaires, qui étaient sous surveillance. Est-ce un hasard? Une chose est indiscutable: dès le début, toutes les organisations de gauche se réjouissaient des pogroms, ressemblant aux émeutes populaires contre le pouvoir, et leur tracts versait de l'huile sur le feu, en excitant le peuple contre les "youpins-exploiteurs" dans l'espoir que les émeutes se changeraient en révolution. Les anarchistes, avec l'antisémite Bakounine en tête, montaient depuis longtemps la populace contre les Juifs (seul Kropotkine s'est élevé contre "le mensonge d'un peuple juif socialement homogène"). L'Union ouvrière de la Russie de Sud, de tendance marxiste, appelait à "frapper les youpins". Le Comité exécutif de la Volonté populaire (le régicide, supposé être juif...) diffusait des tracts appelant à piller "les seigneurs et les youpins". En septembre 1884 seulement, ayant compris que les pogroms ne sont nullement un "prélude à la Révolution", cette organisation, la plus influente à gauche avait admis, que sa politique raciste était erronée, et les pogroms cessèrent aussitôt.
Plus tard, en Allemagne en 1893, sous la dictée d'August Bebel, grand chef du parti social-démocrate, ami, collaborateur et élève fidèle de Marx et Engels, le congrès de Cologne a donné la justification théorique à l'ignoble racisme de gauche. Une déclaration spéciale sur l'antisémitisme fut adoptée, où il a été dit, que "malgré son caractère réactionnaire", l'antisémitisme agit sur les masses "de façon révolutionnaire". Bebel a même inventé une formule: "L'antisémitisme, c'est le socialisme des imbéciles". Non, ce n'est pas une condamnation de l'antisémitisme. Le sens de cette formule est simple: il suffit qu'un imbécile soit antisémite, pour adhérer au socialisme ou pour qu'il aide sa cause. Car en attaquant le Juif, un imbécile démolit le Capital...
Nous entendons déjà les cris indignés des socialistes actuels: "C'est un malentendu! Nous - antisémites? Le socialisme condamnait toujours l'antisémitisme!" Hélas, pas toujours. Mais parfois - oui. Temporairement... Et même en le condamnant, il l'avait jugé utile, comme l'explique Bebel. A peu près à la même époque où Bebel croyait que le "socialisme des imbéciles" était son invention, les socialistes commençaient à douter de son utilité. Ils étaient obligés d'admettre que tous les Juifs n'étaient pas capitalistes, loin de là... Peu avant sa mort, l'antisémite Engels avait remarqué que dans les cercles des "trafiquants-Juifs" en Angleterre, en France, en Russie étaient apparues des organisations ouvrières juives assez puissantes, et avec elles les CAISSES, les ORGANES DE PRESSE de leurs partis, syndicats et coopératives... Les yeux d'Engels se sont allumés de convoitise... Des trésors! Des locomotives de l'Histoire! Il fallait tout faire pour les utiliser, s'en approprier, détourner des rails du mouvement ouvrier (menant à la conquête pour les ouvriers des droits et de la propriété) vers les rails du mouvement socialiste (menant les ouvriers vers l'impasse collectiviste, entre les griffes de l'esclavage d'Etat). Alors, l'antisémitisme de gauche fut reporté pour l'Avenir radieux, et les socialistes classèrent temporairement les Juifs dans le camps des opprimés... Sans pour autant affaiblir l'hostilité envers l'idée de conservation du peuple juif, de sa langue, sa culture, son originalité, et surtout, envers le mouvement sioniste. Car il n'y avait aucun changement dans le Grand But du socialisme, que Lénine avait bien formulé: la "fusion" de tous et de tout en une masse homogène grise et obéissante.
Il semble incompréhensible, que ce soit justement le Juif qui est l'objet d'une haine millénaire et qui incarne depuis un siècle "l'autre" homme, insoluble dans la masse. Comment est-il devenu un véritable poil à gratter pour les deux projets totalitaires ayant laissé leur empreinte sanguinaire sur le 20e siècle? Et une autre question est importante: n'y a-t-il pas dans la civilisation chrétienne un vice, ayant engendré ce monstre immonde - la haine raciale, l'antisémitisme? Ou bien s'agirait-il d'une perversion du christianisme? Pour le comprendre, il faut examiner les sources du problème, voir comment le Juif, éternel "Déicide", symbole du Mal, suppôt de Satan a été changé en incarnation idéale de la Sangsue économique, de l'Exploiteur, du Principal Diable de l'Enfer capitaliste... Cela revient à se demander, comment le christianisme a fabriqué l'image repoussante du Juif et la question juive, que le socialisme et le national-socialisme ont héritées, retaillées et utilisées.
5. Le christianisme et la question juive
Dans le texte de Marx étudié plus haut, il y a une remarque juste: "Le christianisme est issu du judaïsme" (p.379). Là gît tout le malheur des Juifs... Oui, les chrétiens ont entièrement pris chez les juifs leur Ancien Testament, avec ses Dix commandements, devenus la base de la morale des trois religions monothéistes (c'est-à-dire, de nos jours - de 2 milliards d'hommes). On y a rajouté le Nouveau Testament, notamment l'Evangile, un texte également d'origine juive - l'histoire d'un sectateur juif, fils de charpentier, le rabbin Yehoshoua de Nazareth. Quatre Juifs, ses disciples, sont auteurs de quatre récits (Evangiles) de cette histoire, complétés par des extraits de textes anciens des communautés juives de la secte des esséniens, de type chrétien, comme le confirment les Manuscrits de la Mer Morte, trouvés à partir de 1947. Cette secte est apparue un siècle et demi avant la naissance du Christ et existait encore un siècle après sa mort. Israël et Judée étaient sous occupation romaine à l'époque où vivait Yehoshoua ou Yeshoua, autrement dit, Jésus Christ (Khristos, c'est la traduction grecque du mot oint, en hébreu moshiakh, d'où le mot Messie, et Yeho-Shoua signifie Dieu a sauvé). Jésus n'a jamais renoncé à la religion juive, il exigeait simplement sa stricte observance, surtout l'observance de ses prescriptions de charité, de tolérance, d'amour du prochain. Il a entièrement adopté l'enseignement du guide des Juifs Moïse (Moshé, 13e siècle avant Jésus Christ) sur l'Alliance de Dieu avec le peuple juif, élu parmi les peuples non pas pour les dominer, mais pour leur porter les messages de Dieu, surtout le message sur l'Alliance entre tous les hommes, message d'amour, de tolérance, de pardon. Bref, comme l'Eternel l'a expliqué à Abraham, ce peuple a été choisi pour "garder la voie de l'Eternel, en pratiquant la droiture et la justice" (Genèse, 18/19). Rappelons, que l'Alliance, brith, en hébreu, signifie une union étroite, presque un mariage. Jésus se considérait comme le continuateur de Moïse et enseignait dans les synagogues. Il disait: "N'allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes; je suis pas venu abroger, mais parfaire" (Matthieu, 5/17). C'est-à-dire pour réaliser les prescriptions de la religion juive, dont ce commandement de Moïse: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même". Plus que le prochain - l'étranger également (Lév., 19/18 et 33, 34). C'est surtout autour de ce commandement de la Torah, dans le merveilleux chapitre 19 du 3e livre de Moïse, le Lévitique, que sont exposés les fondements de la morale. Elle sont développées aussi dans les autres des cinq Livres de Moïse, que les juifs appellent la Torah, et les chrétiens, le Pentateuque. La Torah compose le coeur de la Bible (biblia signifie livres, en grec). Là se trouvent non pas seulement 10, mais beaucoup plus: 613 obligations morales. Leur observance est le seul service, le principal sacrifice à Dieu, que Moïse demande aux Juifs. C'est le Code de la liberté, de la responsabilité et de la dignité de l'homme. Son avènement est le moment de la "conception immaculée" de la civilisation occidentale, dont la gestation durera 33 siècles, et qui commence à être admise comme universelle, - une preuve qu'enfin le Message a été reçu par l'Humanité et que la mission du peuple juif est, dans l'essentiel, accomplie. Ce que l'on désigne comme l'enseignement du Christ, est donc né 13 siècles avant la naissance de Jésus Christ... Il n'y a rien dans les Evangiles qui ne soit conforme à l'Ancien Testament, sauf l'histoire de Jésus, où il n'y a pas le moindre mot sur l'intention de fonder une nouvelle religion. Jésus est né, a vécu, est mort et fut enterré comme juif (le Vatican le certifie par décret). Sur deux points, Jésus s'est écarté du judaïsme. Il a exigé de confondre la foi en Dieu avec celle en lui, Jésus, personnellement (de là, mais bien plus tard, l'unique Dieu-Esprit juif sera transformé en Dieu chrétien à triple représentation, dont celle du Juif Jésus, qui est considéré par le dogme de la Trinité non pas comme un tiers-de-Dieu, mais comme un Dieu à part entière). Et, en se déclarant Fils de Dieu, il a pris sur lui le droit d'absolution des péchés, droit divin qu'aucun intermédiaire, dans la religion juive, ne peut exercer à la place de Dieu.
Jésus, perçu comme un sectateur, prétendant être le Messie, le fils de Dieu et le Roi des Juifs, a été dénoncé aux prêtres par son propre élève Judas Iscariote. Etait-ce en fait une dénonciation? Jésus ne se cachait pas, mais prêchait ouvertement devant les foules, dans les synagogues et dans le Temple, où Il côtoyait les 72 prêtres et notables du Sanhédrin, conseil supérieur, siégeant en permanence au Temple. Jésus arrêté le dit lui-même: "Tous les jours j'étais parmi vous, enseignant dans le Temple, et vous ne m'avez pas arrêté" (Marc, 14/49). Et au grand prêtre il déclare: "J'ai parlé au monde ouvertement. (...) Je n'ai rien dit en cachette" (Jean, 18/20). A Jérusalem, tout le monde connaissait Jésus. Qui avait donc besoin des renseignements et du fameux baiser-indicateur de Judas?
Une réunion nocturne informelle (et non pas un procès) de quelques prêtres, scribes et anciens, membres du Sanhédrin, a conclu que Jésus, coupable de blasphème, "mérite la mort" (Matthieu, 26/66). Ce n'était qu'une opinion, et non pas un verdict, car aux autorités juives, détenant surtout le pouvoir religieux, il n'était "pas permis de mettre quelqu'un à mort" (Jean, 18/31). On a donc remis Jésus au préfet-procureur romain Ponce Pilate. Seules les autorités romaines avaient le droit de juger les affaires graves et d'exécuter la sentence. Elles étaient les maîtres du pays, et si elles ont consenti à juger Jésus, c'était dans leur propre intérêt, non pas dans celui des Juifs colonisés ou d'une petite foule de serviteurs du Temple, vociférant: "A mort!". Jésus était présenté comme un homme "excitant notre nation à la révolte, empêchant de payer les impôts à César et se disant Christ-Roi" (Luc, 23/2). Il était donc pour les Romains un mutin, qui pouvait prendre la tête d'un soulèvement contre l'occupation, pour le rétablissement du royaume juif. C'est pourquoi les autorités romaines l'avaient condamné à la crucifixion - supplice d'origine perse, appliqué par les Romains, et par eux seuls, aux esclaves, brigands et mutins. Les légionnaires romains avaient torturé, humilié et exécuté Jésus. "L'inscription indiquant le motif de sa condamnation était ainsi libellé: Le roi des Juifs" (Marc, 15/26). C'est bien sur ordre de Pilate qu'une planche avec cette inscription fut clouée sur la Croix, démontrant que la principale motivation de son sévère verdict était politique.
Cela s'est passé quand Jésus avait environ 33 ans, en l'an 29 de notre ère (le début de l'ère et la naissance de Jésus ne coïncident pas, à la suite d'une ancienne erreur de calcul). Les Juifs étaient partagés dans leurs sentiments: les uns insultaient Jésus, en y voyant un imposteur, mais bien d'autres croyaient qu'il était le véritable Messie et le soutenaient. "Les grands sacrificateurs" craignaient Jésus, parce que "toute la foule était frappée d'admiration pour son enseignement" (Marc, 11/18). L'Evangile décrit l'accueil triomphal, que le peuple fit à Jésus pendant son entrée à Jérusalem, souligne le grand mal qu'ont eu les prêtres à trouver des témoins contre lui, mentionne maints signes de sympathie pour Jésus pendant son calvaire. Sur le chemin de la Croix, "le peuple, en grande foule, le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur lui" (Luc, 23/27) Les deux hommes, ayant enterré Jésus avec honneurs, étaient ... des membres du Sanhédrin et des adeptes dissimulés de Jésus! Beaucoup de Juifs croyaient en lui. Car à l'époque, ils attendaient avec impatience le Messie - le Libérateur de l'occupation romaine et païenne, le Sauveur, qui rétablirait l'Etat juif. Le peuple était fatigué des innombrables guerres, que toute sorte d'envahisseurs, le plus souvent les puissants empires voisins, menaient pour conquérir ce "couloir" entre trois continents, nommé Palestine (l'ancien nom des territoires des royaumes de Juda et d'Israël, provenant du nom d'une antique peuplade, habitant la côte méditerranéenne, les "philistins"). Après la Crucifixion, les adeptes juifs de Jésus Christ, persuadés qu'il était le vrai Sauveur, continuaient à répandre parmi les Juifs son enseignement, qui prendra ensuite le nom de christianisme.
L'exécution de Jésus aurait pu rester un incident local, connu de peu de gens, impliquant (comme le décrit l'Evangile) quelques centaines de témoins sur les deux millions Juifs qui peuplaient la Palestine. Mais cette histoire, avec les graines du christianisme, sera disséminée dans le monde par une vague d'exilés, née d'une série d'événements. En l'an 66, la révolte des Juifs, connue sous le nom de soulèvement des zélotes (fervents), après de durs combats avec les légions romaines, libère presque tout le pays. En 67-70, une forte armée romaine, envoyée par Néron, conduite par les meilleurs stratèges et futurs empereurs, - Vespasien, puis son fils Titus - soumet à nouveau les Juifs, avec une peine énorme, détruit Jérusalem et son Temple. La forteresse Massada ne sera conquise qu'en 73, quand ses défenseurs préféreront un suicide collectif à la captivité. En représailles au soulèvement, les Juifs étaient massivement vendus comme esclaves, égorgés, crucifiés, et les cadavres des martyrs jetés aux chiens. Dans les années 132-135 la tragédie se répète: nouveau soulèvement, dirigé par Bar Kokhba, nouvelle guerre et répression impitoyable. L'historien Josèphe Flavius a décrit en détails ces deux cruelles Guerres juives, où ont péri, à deux reprises, plus d'un million de Juifs (environ un quart de la population chaque fois!). Bien des survivants de ces deux premiers génocides partent en exil. Notons, que toutes ces victimes et l'exil lui-même sont des conséquences de l'amour des Juifs pour la liberté, et nullement une vengeance de Dieu (et donc de Jésus miséricordieux?..) pour la Crucifixion de Jésus, comme le prétendaient les textes de l'Eglise! Car bien avant la Crucifixion, à la suite de plus anciennes invasions, guerres, y compris civiles, et d'une série de soulèvements contre l'occupant (de Judas Maccabée, puis de ses frères, etc.), écrasés et puni de déportations massives, la majorité du peuple juif (6 millions sur 8) était déjà dispersée sur le pourtour du bassin méditerranéen. Ce peuple, d'une foi inébranlable, était presque le seul en ce temps à se soulever contre la domination romaine, et le seul à s'insurger régulièrement, obstinément, contre tous les profanateurs du Temple, tous les intrus les plus puissants, en dépit des échecs, des représailles féroces.
Avec le flot des exilés, les idées judaïques et chrétiennes se diffusent à tel point, que les éternels païens, comme les Grecs, et même les Romains, bourreaux des Juifs, sont "contaminés" par ces formes juives de monothéisme. Pendant ses premiers siècles, le christianisme lui-même portait encore le nom de judéo-christianisme, car son apprentissage commençait par l'étude de la religion purement juive, en tant que fondement du christianisme. Longtemps encore, les chrétiens seront enterrés dans les cimetières juifs. Même la circoncision (en hébreu "brith-mila" - ablation d'Alliance) continuait à être pratiquée, mais, étant un embarrassant obstacle pour la conversion des païens adultes, a cessé d'être obligatoire. Ensuite on ne l'a même plus exigé pour les nouveau-nés, en se contentant du baptême. Cette réforme - on peut dire révolution - du christianisme était l'oeuvre d'un disciple et continuateur du Christ, le rabbin juif Saül de Tarsa, ayant pris, par la volonté de Jésus en personne, le nom de Paul, l'Apôtre Saint-Paul. Ayant largement ouvert la porte aux non-Juifs (goyim, en hébreu, du mot tribu), la réforme de Saint-Paul a rapidement conduit à la séparation de l'adolescent et revigoré christianisme de son exsangue père-judaïsme, donc à leur rivalité (dans les conditions d'inégalité numérique et politique). Bientôt les chrétiens venus du judaïsme (judéo-chrétiens) seront submergés par ceux qui venaient du paganisme (pagano-chrétiens), et le christianisme changera de nature, en prétendant que Dieu a répudié Son ancien partenaire, le peuple juif, pour conclure une Nouvelle Alliance avec lui, le "nouveau peuple" chrétien. Pourtant, nulle part les textes sacrés ne parlent d'une telle trahison par Dieu du pacte éternel, ou son reniement de l'ancienne religion. La seule mention claire d'une nouvelle Alliance concerne l'intention divine de renouveler le contenu de l'Ancienne Alliance, en gardant le même allié: "La maison d'Israël et la maison de Juda" (Jérémie, 31/31).
La séparation du christianisme du judaïsme a conduit à la fondation de la nouvelle Eglise. Le transfert du centre de la vie chrétienne à Rome, qui fut l'acte fondateur de cette Eglise, était l'oeuvre d'un autre Juif, Shimon de Galilée, baptisé Pierre par Jésus en personne. L'Apôtre Saint-Pierre sera considéré comme le premier pape, et le lieu de son enterrement en l'an 64, la colline Vaticano à Rome, sera choisi par l'empereur romain Constantin Ier pour la construction en l'an 324 d'une basilique (qui, après la reconstruction, prendra le nom de Saint-Pierre) et du palais papal, le Vatican.
Constantin Ier s'était converti au christianisme en l'an 312, et ses successeurs avaient déclaré le christianisme comme religion officielle de l'Empire romain (en suivant l'exemple de l'Arménie, premier pays du monde ayant adopté le christianisme, en l'an 301). Dès que cette religion créa ses propres organes ecclésiastiques, ils firent pression sur les pouvoirs laïques, en exigeant d'adopter des mesures de limitation de la forte influence de la religion judaïque "concurrente". Les pouvoirs laïcs, qui avaient une attitude bienveillante envers les communautés juives prospères, source d'impôts appréciables, cédèrent sans grande ardeur, et les premières lois antijudaïques apparurent dès le 5e siècle. Mais hors du domaine religieux, l'attitude envers les juifs-non-chrétiens, autrement dit, les judaïques ou hébreux, était assez tolérante (ils avaient même le droit de posséder des terres et de porter des armes). Ils étaient tout à fait respectés. Par contre, au cours des premiers siècles, la majorité païenne persécutait les chrétiens, parmi lesquels les Juifs étaient devenus une petite minorité. Les chrétiens étaient suspectés de ... cannibalisme, en raison de leurs repas nocturnes et secrets, avec cérémonies de consommation "de la chair et du sang" du Christ, symbolisés par le pain et le vin... Dans l'Empire romain, ils étaient aussi martyrisés pour leur refus, en vertu du Deuxième commandement (interdisant l'idolâtrie et respecté jusqu'au 8e siècle) de rendre hommage à la statue de l'Empereur (obligation, que seuls les juifs avaient le privilège de ne pas respecter).
Dans le monde arabe, devenu musulman depuis le 7e siècle, vénérant le prophète Moïse et reconnaissant la paternité de la religion juive (bien que négligeant l'étude de la Bible), l'attitude envers les Juifs était relativement pacifique (si l'on oublie les inévitables frictions entre les religions différentes, le pillage fiscal et la discrimination des "infidèles" politiquement soumis). A de rares exceptions près, cela continua ainsi jusqu'au conflit territorial d'un demi-siècle, qui a éclaté en 1947, quand, au plan de l'ONU sur le partage de la Palestine, accepté par la partie juive, la Ligue arabe répondit par l'agression militaire.
Pendant assez longtemps, personne ne reprocha aux Juifs la Crucifixion de Jésus (et moins que tous - les Romains, ayant crucifié Jésus et un grand nombre d'autres Juifs...). On ne leur manifesta pas d'hostilité particulière. Car dans la vaste étendue de l'Empire romain, le pluralisme des religions était une chose habituelle. En outre, c'est bien le Juif Jésus (avec ses 12 apôtres juifs) qui est devenu le symbole de la charité, tandis que sa mère juive, la sainte Marie (Miriam) symbolisait la pureté. Tous les chrétiens priaient, et continuent à prier l'unique Dieu juif, par des prières juives (toutes sont prises dans le judaïque Ancien Testament - une seule, Patre nostrum, provient de l'Evangile chrétienne, qui est au fond aussi juive - écrite sur les Juifs par les Juifs...). Pendant les premiers siècles, même la liturgie, même le calendrier et les fêtes chrétiennes étaient purement judaïques, et les églises avaient l'aspect de synagogues, jusqu'au moment où les pouvoirs ecclésiastiques introduisirent intentionnellement des distinctions, pour se départir du "rival". Tous les goyim étaient reconnaissants aux judaïques pour "l'invention" du jour de repos hebdomadaire, qu'aucun des peuples du monde ne connaissait. Passons sur quelques accusations de paresse, lancées contre les Juifs pour leur respect du repos du shabbat - ce "vice" a été vite admis comme bénéfique pour les hommes, autant que pour les bêtes de somme... Depuis Moïse, le samedi - shabbat, c'est-à-dire cession, repos, jour libre - était respecté par les Juifs en imitation à Dieu, qui se reposait le septième jour, après le labeur de la Création du monde (c'est juste pour se distinguer du judaïsme, que l'Eglise a décrété au 2e siècle, au mépris du Quatrième commandement, comme jour de repos le dimanche, yom rishon, le premier jour de la Création...). Les chrétiens donnaient aux nouveau-nés des nom bibliques, donc juifs, et jusqu'à présent ils honorent les textes hébraïques comme sacrés, surtout la Torah - le coeur de la Bible. Et pour cause: c'est bien du judaïsme, que le christianisme a reçu toute sa charge spirituelle et morale, et ce sont les commandements de la morale juive qui ont constitué la base de la civilisation. Etait-il possible de proclamer comme incarnation d'immoralité les Juifs, les créateurs et enseignants de la morale, qui vivaient parmi les peuples en communautés paisibles, laborieuses, entreprenantes? On les admirait plutôt pour leurs antiques traditions d'aide aux pauvres et aux malades, d'alphabétisation totale (en tous les siècles, tous les garçons de la communauté, même des familles les plus misérables, apprenaient l'écriture, la lecture, la religion dans le kheder (chambre d'études) auprès de la synagogue, et les filles étaient instruites par les frères et les pères). Aucun chrétien honnête ne pouvait nourrir de sentiment de haine pour le peuple juif tout entier, puisque l'Evangile témoignait qu'une bonne partie des Juifs suivait et admirait Jésus: "Le peuple entier l'écoutait, suspendu à ses lèvres" (Luc, 19, 48).
Et pourtant... Petit à petit, le monstre de l'antisémitisme grandissait... C'est justement l'adoption des idées judéo-chrétiennes par les goyim qui est devenue la cause des souffrances millénaires du peuple juif, après un millénaire de (relativement..) pacifique coexistence... Le fils aîné christianisme est devenu l'ennemi farouche de son père judaïsme. Le sage philosophe Montesquieu le remarque en 1721, dans le ch.60 de ses Lettres persanes:
"La religion juive est un vieux tronc qui a produit deux branches qui ont couvert toute la Terre: je veux dire le Mahométisme et le Christianisme; ou plutôt c'est une mère qui a engendré deux filles, qui l'ont accablée de mille plaies; car, en fait de religions, les plus proches sont les plus grandes ennemies".
Cela s'explique: les religions proches convoitent la même clientèle et la même place - "à droite de Dieu". La place était occupée par le peuple juif. Il fallait l'en chasser. Le dogme de la Nouvelle Alliance, prétendant que Dieu a remplacé Son ancien Allié par le "peuple chrétien" devait trouver une justification dans l'indignité ou la "trahison" du "peuple ancien". Ainsi, le perfide dénigrement des Juifs a commencé. L'Eglise a occulté le fait capital, souligné maintes fois dans les Evangiles, que le peuple juif était divisé dans son attitude envers Jésus et qu'en tant que peuple il n'était pour rien dans la Crucifixion. Les insultes d'une petite foule de serviteurs du Temple, les sévices et les humiliations que Jésus a subis des soldats romains, seront mis sur le dos des Juifs, de tous les Juifs de tous les temps. Judas le chrétien, l'un des douze premiers chrétiens, formés par Jésus en personne et pardonné, repenti (puisqu'il se pendit de honte), deviendra le symbole du Juif-traître impardonnable pour l'éternité, du Peuple-traître. Doublement absurde, cette accusation a été inventée pour éliminer le premier, le plus fidèle Allié de Dieu, afin de prendre sa place. Soulignons, que la liturgie chrétienne prendra pour cible de la haine non pas seulement le judaïsme, la Synagogue, les juifs en tant que croyants, mais le peuple juif. Bien que le mot antisémitisme (notion raciste) n'a qu'un siècle d'âge, "l'antijudaïsme" était donc raciste dès le départ.
La machine infernale, meurtrière de haine antisémite a démarré. Au 4e siècle le dogme antisémite de l'Eglise était déjà élaboré, mais n'avait pas encore d'impact considérable, vue l'étendue limitée du pouvoir de l'Eglise. Les choses sont devenues graves au 11e siècle, à l'époque de l'hystérie de la Première croisade, quand, après les Romains, d'autres peuples ont adhéré au christianisme, moins tolérants dans la question de la Crucifixion de Jésus. L'Eglise devenant plus puissante, l'attitude envers le judaïsme, religion concurrente, s'est raidie. On a déclaré que les Juifs étaient l'émanation de l'enfer et l'accent était mis sur l'accusation de déicide. L'antisémitisme de masse est né. La Première croisade pour l'expulsion des musulmans des lieux saints d'Israël a laissé d'abord à travers l'Europe la trace sanguinaire de massifs pogroms juifs. 50.000 hommes, femmes enfants furent atrocement massacrés... Les foules déchaînés égorgeaient les Juifs, les noyaient dans les rivières, les convertissaient de force au christianisme. Ensuite cela devint une "tradition" chrétienne... Il n'était pas rare, que les "déicides" répondaient à la terreur suivant la tradition de Massada - par un suicide collectif. Au Moyen âge, on enfermait partout les Juifs dans les ghettos, on les persécutait, les utilisait comme boucs émissaires, les étouffait par des impôts spéciaux, leur interdisait de posséder des terres et de porter des armes. L'entrée des corporations de métier étant interdite aux Juifs, maintes professions leur deviennent inaccessibles. Les accusations d'être à l'origine des épidémies, des catastrophes, des guerres, - tout tombait sur la tête des Juifs, et tout malheur chez les chrétiens menait aux pogroms, à l'expulsion des Juifs sans défense. Ces "infidèles" étaient souvent accusés d'assassinats rituels d'enfants chrétiens - ils mêlaient soi-disant le sang chrétien à leur matsah, les galettes de Pâques. Dès qu'un enfant chrétien périssait, on attrapait les Juifs, on mettait à feu et à sang le ghetto. Cela a duré jusqu'à notre époque.
En 1911 en Russie, une telle accusation monstrueuse pour l'assassinat rituel d'un garçon russe a été prononcée contre Mendel Beylis, un contremaître d'une usine de briques. Par l'écho que cette affaire a eu dans le pays, on peut la comparer à l'affaire Dreyfus, et le rôle de Conscience de la Russie qu'a joué l'écrivain Vladimir Korolenko, à celui d'Emile Zola. Le procès traîna pendant deux ans, quoique pour comprendre l'absurdité de l'accusation il suffirait de lire la recette de la matsah : la manne, c'est-à-dire de la farine de céréales pure, sans le MOINDRE additif, même pas de sel, et encore moins de sang... Juste un peu de rosée pure. La matsah, cuite de la manne que Dieu faisait tomber du ciel, selon la Bible, était la principale nourriture des Juifs, fuyant, sous la direction de Moïse, la captivité égyptienne à travers le désert, quand, non seulement dans le désert, mais encore dans le monde entier ne pouvait exister de sang chrétien. Car il n'existait pas de chrétiens - les Juifs ne les avaient pas encore inventés... Korolenko, en procédant à sa propre enquête, a facilement démontré dans ses articles, que le dossier d'accusation était absurde, et que le garçon, soupçonné de délation à la police, a été tué par une bande de voleurs, fréquentants le bouge, dont la tenancière était ... le principal témoin d'accusation. Beylis fut entièrement disculpé par une cour d'assises, à l'honneur de la justice russe.
Notons, que l'inimitable humour des Juifs du monde chrétien est né de leur situation particulièrement "privilégiée", dans laquelle les anecdotes se distinguent peu de la réalité absurde. Petit exemple de cet humour. Dans un quartier chrétien, on a trouvé un garçon égorgé. Tout le ghetto tremble, attend le pogrom en représailles au meurtre rituel. Quand la police communiqua au rabbin les résultats de l'identification du cadavre, le rabbin annonça à toute la communauté: "Juifs! Réjouissez-vous! L'égorgé était un enfant juif! Il n'y aura pas de pogrom!"...
Précisons: ni pogrom juif ni chrétien... La rareté des cas de vengeance juive pendant mille ans de persécutions atroces, ignobles, est absolument stupéfiante. Il semble que ce peuple a dépassé Jésus lui-même dans l'art de pardonner... C'est un exploit presque surhumain, incompréhensible, s'agissant d'un peuple qui a montré tant de courage dans les ripostes à toute atteinte à sa dignité, quand il vivait sur sa terre!
La haine des "déicides" faisait naître des accusations monstrueuses, meurtrières, par nature mensongères, et donc appuyées sur des faux préfabriqués. Ainsi sont apparus les Protocoles des Sages de Sion - les "procès-verbaux" des séances d'un Comité secret auprès du 1er congrès sioniste de Bâle en 1897, élaborant soi-disant des plans de conquête du pouvoir sur le monde entier par les Juifs ... L'original a été écrit en français, et sa traduction diffusée en 1903 en Russie, où elle fit un tumulte terrible, après quoi les traductions se sont répandues comme une peste dans de nombreux pays. Or en 1921, le journaliste anglais Philip Graves démontra, qu'il s'agissait d'un faux, d'un collage de différents textes plus anciens. Surtout ils étaient composés d'une reproduction d'un pamphlet de 1864, Les Dialogues aux enfers du Français Maurice Joly dirigé contre ... la politique expansionniste de Napoléon III. Une autre partie était empruntée au roman antisémite Biarritz de John Reckliffe (pseudonyme de l'écrivain allemand Hermann Gödsche). Le commanditaire était un général de l'Okhrana russe. En 1935 le tribunal de Berne, après une enquête sérieuse, a démontré que ce "document" n'était qu'un faux. Hitler, connaissant parfaitement (comme le témoigne Rauschning) qu'il s'agissait d'un faux, a donné l'ordre de publier à grand tirage les Protocoles, et d'en faire un manuel de l'antisémitisme que toute l'Allemagne devrait apprendre par coeur. Dans les pays arabes, les Protocoles sont diffusés jusqu'à nos jours, étant présentés comme un document authentique. Dernièrement, cette puante calomnie a été rééditée par les antisémites russes...
Il est temps de livrer le vrai secret du congrès de Bâle de 1897, qui a fondé le mouvement sioniste... Oui, son but était réellement l'établissement de la domination des Juifs... De leur domination sur un dix-millième des terres de notre planète: sur une parcelle de leur vieille terre juive, promise par Dieu - sur la terre d'Israël... C'est-à-dire que le but du complot perfide des sionistes était, en rétablissant l'Etat juif, de rendre une Patrie à la partie dispersée de leur peuple et ainsi, dans la mesure du possible, de débarrasser de la présence et de la "domination" juive le reste du monde, soit les 99,99 autres pour cents de la surface de la Terre...
Rappelons l'affaire du capitaine Alfred Dreyfus, qui a duré de 1894 à 1914. En tant que Juif, et de surcroît originaire d'Alsace, région convoitée par les Allemands, cet officier français irréprochable était soupçonné d'espionnage au profit de l'Allemagne. En l'absence de preuves, un de ses collègues (un goy - non-Juif...) avait fabriqué un faux, et le "Juif-traître" était condamné au bagne perpétuel. Au cour d'une cérémonie humiliante, il fut privé de son statut d'officier, sous les cris de la foule: "Judas! Sale Juif! A mort!". Mais dans un pays libre, la calomnie n'a pas le monopole: un officier honnête, Georges Picquart, a dévoilé la machination, une petite partie de la presse (10% du tirage global) s'est mise du côté de la vérité - du côté de la victime. Le tonitruant article J'accuse! d'Emile Zola a réveillé la conscience des gens honnêtes. Cela a sauvé Dreyfus. La falsification ne pouvait plus être escamotée, et Dreyfus fut réhabilité. Mais 12 ans après seulement... C'est-à-dire que pendant 12 ans la grande presse hurlait: les Juifs sont des espions et des traîtres! Des Judas! Malgré la réhabilitation, des années durant, les soupçons ne se dispersérent pas entièrement, jusqu'au jour où il a été confirmé, que l'espion était un officier de l'état-major. Non-Juif... Bien que la vie de Dreyfus avait été brisée, son honneur était sauvé.
Tôt ou tard, la vérité se lève, de toute sa taille et pour l'éternité. Et le mensonge crève, parfois après une longue vie, mais il crève forcément. Ainsi, la calomnie contre les Juifs commence à crever. Le 2e Concile de Vatican avait examiné la question de la vieille culpabilité des Juifs et en est venu à la conclusion, formulée dans le décret Les Relations de l'Eglise avec les Religions non chrétiennes (Nostra aetate) du 28 octobre 1965, signé par le pape Paul VI. Il est dit dans le décret que tous les peuples forment "une seule communauté, ils ont une seule origine" et aussi "une seule fin dernière, Dieu". "L'Eglise du Christ reconnaît que les prémisses de sa foi et de son élection se trouvent (...) dans les patriarches, Moïse et les prophètes", et "ne peut oublier qu'elle a reçu la révélation de l'Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu (...) a daigné conclure l'antique Alliance" et "de qui est né, selon la chair, le Christ". L'Eglise "rappelle aussi que les apôtres, fondements et colonnes de l'Eglise, sont nés du peuple juif, ainsi qu'un grand nombre des premiers disciples qui annoncèrent au monde l'Evangile du Christ". (...) Les Juifs, en grande partie n'acceptèrent pas l'Evangile. (...) Néanmoins, selon l'Apôtre, les Juifs restent encore, à cause de leurs pères, très chers à Dieu. (...) Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ, ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. (...) L'Eglise (...) déplore les haines, les persécutions et toutes les manifestations d'antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs. D'ailleurs, comme l'Eglise l'a toujours tenu et comme elle le tient, le Christ, en vertu de son immense amour, s'est soumis volontairement à la Passion et à la mort à cause des péchés de tous les hommes et pour que tous les hommes obtiennent le salut".
Dans ce repentir, un peu mou, l'Eglise semble se rappeler, après la Shoah, ses propres conclusions oubliées de 1563 au Concile de Trente, admettant que la mort de Jésus "fut l'effet de sa volonté et non de la violence de ses ennemis", et que ce sont "nos crimes et péchés qui ont fait subir à Notre-Seigneur Jésus-Christ le supplice de la croix". le poète Charles Péguy, socialiste déçu, devenu catholique fervent, avait formulé cela plus franchement, en 1914: "Ce ne sont pas les Juifs qui ont crucifié Jésus-Christ, mais nos péchés à tous; et les Juifs, qui n'ont été que l'instrument, participent, comme les autres, à la fontaine du salut". Nous tirons ces deux citations d'un récent livre-enquête Le Procès de Jésus, de Jean-Marc Varaut, avocat français, philosophe du droit, historien et membre de l'Académie des sciences morales et politiques. Dans son livre juste et objectif (sommet d'une masse de livres sur ce sujet), Varaut démontre que le peuple juif ne porte aucune responsabilité dans la mort de Jésus et que "l'antisémitisme est une apostasie tragique de l'espérance chrétienne". Un autre excellent juriste français, François de Fontette, dans son intelligent livre Sociologie de l'antisémitisme, rappelait, en 1984, la déclaration du pape Pie XI du 6 septembre 1938: "Nous sommes spirituellement des sémites". Fontette en tire une conclusion sagace: "(...) L'antisémitisme est pour les chrétiens une sorte de suicide spirituel". Le philosophe français et homme noble Jacques Maritain, qui était ambassadeur de France au Vatican après 1945, combattait toute sa vie durant cette "haine bestiale". "L'idée du peuple-déicide" est, selon Maritain, une "idée-vampire (...) qui porte en elle l'homicide et la haine" et qui "empoisonnât jusque dans les profondeurs de l'inconscient animal l'esprit du peuple chrétien". "Le zèle amer de l'antisémitisme tourne toujours à la fin en un zèle amer contre le christianisme lui-même". Léon Bloy, ardent catholique et antisémite repenti, rappelait aux chrétiens, en 1910, dans son livre-journal Le vieux de la montagne, que "notre Dieu fait homme est un Juif, le Juif par excellence de nature, le Lion de Juda; que sa Mère est une Juive, la fleur de la Race juive; que tous ses Ancêtres ont été des Juifs, aussi bien que tous les Prophètes, enfin que notre Liturgie sacrée toute entière est puisée dans les livres juifs. Dès lors, comment exprimer l'énormité de l'outrage et du blasphème qui consiste à vilipender la Race juive? ". Il en conclut que l'antisémitisme est un des "deux crimes énormes" du siècle, "le soufflet le plus horrible que Notre-Seigneur ait reçu dans sa Passion qui dure toujours, c'est le plus sanglant et le plus impardonnable parce qu'il le reçoit sur la Face de sa Mère et de la main des chrétiens". Les Juifs modernes ne sont pas pires que ceux de la Bible, ni inférieurs aux autres peuples: "Quelques-unes des plus nobles âmes que j'aie rencontrées étaient des âmes juives". Et pour avoir droit d'être chrétien, Bloy lave son âme de la vieille sale haine du peuple juif, en se rappelant cette "pensée de l'Eglise dans tous les temps" (hélas, souvent oubliée): "La Sainteté est inhérente à ce peuple exceptionnel, unique et impérissable, gardé par Dieu". En 1994, le pape Jean-Paul II a reconnu: "Auschwitz (...) nous interdit d'oublier que l'antisémitisme est une horrible péché contre l'humanité, et que toute espèce de racisme conduit inévitablement à l'écrasement de l'homme". Dans leur Déclaration de repentance, les évêques allemands expriment plus clairement le lien entre la Shoah et l'horrible péché chrétien: "Les routes qui nous ont mené à Auschwitz ont été pavées par l'antisémitisme séculaire".
En effet, le christianisme est entaché, trahi, lorsqu'à sa devise, empruntée à Moïse et écrite en grandes lettres - "AIME TON PROCHAIN COMME TOI-MÊME" - il rajoute en petites lettres: "sauf si ce prochain appartient à la sale race qui nous a enseigné cette devise"... Quand on cultive une petite haine collective, toutes les haines sont permises, toutes les haines fleurissent - y compris entre les chrétiens, qui n'ont pas cessé de s'entretuer, depuis la cristallisation du christianisme en dogme d'Eglise, infidèle en certains points aux enseignements de la Bible.
L'Eglise admet donc, enfin, que Jésus est allé VOLONTAIREMENT subir les supplices de la Crucifixion, au nom de la Rédemption de l'humanité, et que quelques centaines de Juifs et de Romains qui ont participé à la condamnation et la Crucifixion de Christ, ne faisaient qu'exécuter Sa volonté, Son scénario, d'ailleurs décrit par Lui à son entourage À L'AVANCE, comme le raconte l'Evangile (Matthieu, ch.26; Marc, ch.14, etc.)! Ils étaient Ses complices! Comment peut-on les traiter de déicides? Et comment se fait-il, que l'absurdité de cet assemblage des mots - déi-cide, "assassin de Dieu" - n'a fait réfléchir, n'a frappé en mille ans l'esprit d'aucun des milliards d'antisémites, ayant tous oublié la prescription de Jésus sur le pardon et ayant jeté au visage des Juifs ce mot de malédiction? Pourtant, c'est une évidence: les simples mortels ne sont pas en mesure, en force, physiquement NE PEUVENT PAS tuer Dieu, TOUT-PUISSANT et IMMORTEL, par définition! Et si c'est Lui qui veut Se "tuer", mais est à tel point impuissant qu'Il ne peut commettre son suicide sans l'aide des simples mortels, alors ceux-ci ne sont pas Ses assassins, mes Ses instruments, serviteurs innocents, acteurs involontaires du drame, écrit par Lui. Pour comprendre l'innocence des Juifs et des Romains, il suffit de relire ces paroles de Jésus: "Si le Père m'aime, c'est que je livre ma vie pour la reprendre. Personne ne me l'enlève, mais je la livre de moi-même; j'ai le pouvoir de la livrer, et j'ai le pouvoir de la reprendre: tel est l'ordre que j'ai reçu de mon Père" (Jean, 10/17-18). Les "déicides" n'ont donc pas "enlevé la vie" à Jésus, ils L'avaient élevé, fait Christ, selon Son propre dessein. Napoléon Ier, en 1820, a fait cette réflexion: "Si Jésus n'avait pas été crucifié, il ne serait pas Dieu". Le pape Jean-Paul II était en 1994 du même avis: "Si l'agonie de Dieu sur la Croix n'avait pas eu lieu, la vérité que Dieu est Amour serait restée suspendue dans le vide". Donc si Dieu existe, les déicides n'existent pas! On peut croire en Dieu ou ne pas croire, mais selon les dogmes de la religion elle-même, Dieu est immortel, éternel, et il est impossible de tuer non seulement Dieu ou Son Fils divin, ayant pris l'apparence humaine, mais n'importe quel être restant sous la protection de Dieu! Si Dieu était mortel, le monde pourrait un jour rester sans Dieu - et cela, l'Eglise ne peut l'admettre même dans la pensée... D'ailleurs, par une simple règle de bon sens, il est impossible d'être mortel et immortel en même temps.
Il est impossible de considérer comme déicides les "coupables" de l'exécution de Jésus, et cela pour une autre raison évidente: ils n'ont reçu aucune preuve qu'Il représentait Dieu et n'avaient aucunement l'intention de causer du tort à Dieu, encore moins à Le "tuer". Au contraire, Jésus a été condamné, car on voyait en Lui un simple mortel - pour les Romains il était un mutin, pour certains Juifs un imposteur, ayant une attitude sacrilège envers Dieu par le fait qu'il s'appropriait expressément le titre de "Fils du Dieu béni" (Marc, 14/61). Autrement dit, ils voulaient punir Jésus pour son IRRESPECT de Dieu, pour "blasphème" (Marc, 14/64)! Heinrich Heine, dans ses Aveux, s'indigne: "Chose étrange! Justement le peuple qui avait donné un Dieu au monde, et dont toute la vie ne respirait que la crainte de Dieu, fut décrié comme déicide!".
Il était IMPOSSIBLE pour un Juif moyen d'alors (et d'autant plus pour un prêtre) de croire, de pouvoir vérifier que Jésus est un Fils de Dieu (et encore moins croire à l'histoire, née plus tard, de la conception immaculée par Dieu de Son Fils au sein d'une femme mariée, qui restera Vierge, tout en donnant à Jésus des frères et des soeurs...) (Marc, 3/32). On sait, que pour les Juifs il n'existe pas de demi-dieux. Même le fondateur du monothéisme Abraham, même le sauveur et législateur Moïse ne sont considérés que comme des hommes n'ayant fait aucun miracle, fils d'autres humains et morts d'une mort d'homme. Quant au Dieu juif - c'est un Esprit, que personne n'a vu, ne peut ni voir ni connaître d'aucune façon, et qui ne vit même pas au ciel, mais partout, ou dans un autre monde. C'est un Dieu, dont on ne doit prononcer le nom qu'une fois par un, le jour du Grand Pardon (Yom Kippour), et qui est Unique, et non pas trinitaire (ou "quadritaire", si l'on ajoute la Mère de Dieu). Il n'a pas, ne peut pas être représenté sous l'aspect humain (l'homme ne Lui ressemble que par sa libre volonté). C'est pourquoi sont interdites dans les synagogues les icônes, les statues, les représentations d'idoles et d'êtres vivants en général (sauf quelques animaux symboliques, pour le décor de l'Arche sainte, où sont gardés les Rouleaux de la Torah). Quand le Juif prie, ce n'est pas agenouillé devant une icône, mais assis ou debout devant le Livre, en vertu du Deuxième commandement "Tu ne te prosterneras point devant l'image taillée" (Exode, 20/4 et 5) que les chrétiens n'observent plus depuis le 8e siècle (et les catéchismes catholique et luthérien escamotent, en le fondant avec le Premier) .
Comme le dit l'Evangile lui-même, la foule avait demandé à Jésus de faire un miracle: à descendre de la Croix, prouvant ainsi qu'Il n'est pas un simple mortel, pas un imposteur, commettant un sacrilège (Matthieu, 27/42). Or, Jésus a refusé de descendre, de les aider dans la recherche de la vérité! Il n'a pas voulu démentir l'accusation erronée! Donc, dans la seule hypothèse qui reste, celle de la condamnation de Jésus considéré comme simple mortel, il s'agit, au pire, d'une erreur juridique. Suite au refus du condamné de donner des preuves en sa faveur et de confirmer sa vraie identité, on a pris un innocent pour un criminel. Cela arrive même dans les tribunaux les plus consciencieux, les plus démocratiques, et pour une telle erreur on n'a jamais encore qualifié les juges d'assassins ni maudit en vrac tout leur peuple jusqu'à la centième génération!..
Un tel anathème éternel contre tout un peuple est impensable, est monstrueux, il contredit toutes les prescriptions de n'importe quelle morale, de n'importe quelle religion, si l'on suppose, que Jésus était un homme réel, simple (fut-il le plus éminent). Et même si envers lui un groupe d'hommes avait commis une injustice préméditée, une telle malédiction collective est absurde! Sinon, il faudrait maudire tous les peuples et toutes les générations sans exception. Car il n'y a pas de peuple, de génération, dans l'histoire duquel les personnes, les groupes, les autorités n'ont commis le moindre acte d'extrême injustice, de barbarie, de scélératesse.
Notons par ailleurs que pour tuer quelqu'un, il faut le transformer en cadavre. Et l'accusation contre l'assassin doit être appuyée sur des preuves matérielles de l'assassinat. Or, l'on n'a pas trouvé le cadavre de Jésus quand on a ouvert son tombeau au troisième jour! Jésus a (ou s'est) ressuscité, est revenu sur terre, en montant au ciel avec âme et corps! Autrement dit, l'assassinat de Dieu immortel n'était que symbolique! Mais "l'assassin" d'un ressuscité n'est nullement un assassin! Jésus savait qu'Il ne serait pas mort: à trois reprises, Il en avait prévenu ses disciples! Et que pensait-Il de ses "assassins"? Cela: "Le salut vient des Juifs" (Jean, 4/22). Sur la Croix, juste avant Sa mort symbolique, Jésus a fait Son testament concernant les responsables directs de Sa condamnation: "Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font" (Luc, 23/34). Lui seul le savait. Pendant deux millénaires, les chrétiens resteront sourds à ce testament de leur Dieu, et persécuteront de leur haine même pas les responsables de la Passion de Jésus, mais leurs lointains descendants totalement innocents. Est-ce cela la voie de la Rédemption?
Ainsi, en restant dans la logique religieuse, on ne trouve aucun coupable direct de la mort de Jésus (si l'on en trouve, ils sont tous pardonnés), et on aboutit à la totale disculpation du peuple juif, ou bien à l'inculpation de tous les pécheurs du monde. En appliquant la logique laïque ou agnostique, on ne peut conclure qu'à la culpabilité de quelques personnes, mais en aucun cas à la culpabilité de tout un peuple pour l'éternité. Un athée dirait même que, si le rabbin Jésus existait, il était un imposteur, puisqu'il prétendait, sans le moindre fondement, être le fils de dieu qui n'existe pas, et la seule chose que l'on peut contester, ce sont les vices de procédure et la sévérité du verdict...
Encore une hypothèse n'est pas à exclure: Jésus n'existait pas, et sa Crucifixion n'est qu'un mythe! Elle est peut-être la plus insupportable: presque deux mille ans d'insultes, des lacs de sang et de larmes juifs - et tout cela pour un mythe, sans l'ombre d'un fondement d'accusation?!.. Que l'on accorde au moins aux millions d'accusés le bénéfice du doute!..
Il s'avère, que tout est faux dans l'habituel verdict-reproche fait aux Juifs: "Vous avez crucifié notre Jésus!". Pas "nous", les Juifs, mais les Romains, suivant le verdict d'un procureur romain. Et Jésus n'est pas "votre", mais "notre", un circoncis, de la chair du peuple juif, comme le certifie le décret de pape de 1965. Il avait été crucifié non pas selon "notre" volonté, mais avait choisi, de Son plein gré le supplice symbolique, pour impressionner l'Humanité, et aussitôt ressusciter. Il ne manque au décret du pape que cette conclusion logique: puisque la Mère de Jésus était Juive, et le Fils est reconnu non pas comme un demi-Juif, mais comme un Juif à 100%, le Père devrait l'être aussi... Et si TOUS les Juifs sont abjects, on pourrait conclure que... N'allons pas plus loin et recommandons à chaque antisémite de ménager prudemment de la place pour quelques exceptions dans sa haine de tous les Juifs et de méditer sur cette question: pourquoi, sapristi!, Dieu-le-Père a fait un si mauvais choix - s'incarner précisément dans un Juif, et non pas dans sa nationalité, celle de l'antisémite?...
S'il s'agit de Jésus en tant que symbole de sacrifice de soi pour les autres, alors il faut admettre, que l'action de ce symbole sur l'Humanité et sur son histoire s'est avérée colossale. Bouleversante. Révolutionnaire. L'exemple du rabbin Jésus a frappé les esprits (il a très probablement existé - les historiens de son époque en parlent, et la résurgence du mouvement chrétien en son temps est un fait indéniable). C'était un Grand Homme. Son prêche d'amour et son martyre ont bouleversé la conscience des hommes, et c'est grâce à lui que le message de la Torah s'est répandu parmi d'autres peuples. Le monde a commencé à se transformer sous l'influence de ce symbole, légende ou événement. Même les athées n'ont pas échappé à l'influence des idées judéo-chrétiennes, bien qu'ils y émettent des réserves, des corrections. Mais une chose qu'hériteront entièrement, avec avidité, les athées les plus fanatiques, les créateurs des systèmes inhumains, comme Marx et Hitler, c'est la tragique Erreur du christianisme: l'anathème faite au peuple que l'Eglise elle-même appelle le peuple de l'Alliance. C'est-à-dire le peuple-messager, le peuple-intermédiaire, ayant non pas tué, mais DONNÉ un Dieu unique et les principes communs de la morale à une multitude de peuples païens, donc leur ayant offert de bases de la compréhension réciproque, de la concorde. Les athées se sont accrochés justement à cette Erreur, à cette véritable Perversion, à la tragique, meurtrière Apostasie des enseignements du Christ, à cette haine nullement chrétienne envers les "déicides". Ils ont adapté cette haine à leurs théories, en l'utilisant comme ciment de leurs idéologies totalitaires du Mépris et de la Haine, de classe ou de race. Et pourtant, suivant leur athéisme, la religion n'est qu'un tas de contes, et le Christ et sa Crucifixion ne sont que des fictions. Or, si ce ne sont que des contes, il ne devrait plus y avoir de raisons à l'antisémitisme que les athées ont hérité des chrétiens!
Il ne reste aux athées niveleurs qu'une seule explication, qui ressemblerait à un compliment: les Juifs sont un obstacle sur la voie de fabrication d'un gris troupeau totalitaire, mené par des Idoles des foules, un os dans la gorge des deux régimes concentrationnaires. Les Juifs précisément! Car Staline s'apprêtait à déporter en Sibérie les Juifs de toutes professions, et non pas des "trafiquants" de toutes ethnies, bien que Marx ait jeté l'anathème sur les Juifs uniquement comme incarnation de la Spéculation et de l'Argent ! Et Hitler massacrait les Juifs de tous les rangs, riches ou pauvres, et non pas les capitalistes de tous les peuples, bien que sa théorie de la haine envers les Juifs est fondée (plus que sur les arguments raciaux) sur la prétention que les Juifs sont l'incarnation du Capital ! Parfois Hitler les assimilait aux communistes, mais plus rarement: il aimait les communistes, à condition qu'ils se changent de rivaux en ses partisans. Il a "donné l'ordre d'accepter immédiatement dans le parti tous les ex-communistes", qui en masse suppliaient d'être admis dans son parti "ouvrier" national-socialiste. Mais il a donné pour consigne de ne pas admettre "les petits bourgeois social-démocrates" (déjà à l'époque, ils commençaient à préférer la démocratie au socialisme), car ils "ne pourront jamais devenir de véritables nationaux-socialistes; les communistes - toujours".
Les Juifs en tant que cible de la haine étaient commodes aussi pour une autre raison. Vue leur dispersion dans maints pays, ils sont un symbole idéal de minorité, de groupe "hors norme", hors de religion "normale", et d'agent d'un complot international. Mais dans ce rôle, les Juifs n'ont pas le monopole. Dans les pays sans Juifs, un rôle semblable est voué à d'autres minorités ou boucs émissaires, et l'attitude envers ces "boucs" non-Juifs (ou même envers une majorité, composée de faibles - envers les femmes, notamment) est un non moins précis indicateur du degré de respect des droits de tout homme ou peuple. Ce respect se mesure à l'aune des prescriptions de Moïse, du Christ, de Mahomet sur le respect de la personne, et aussi, à notre époque, à l'aune de l'enfant direct et moderne de ces prescriptions - la Déclaration des droits de l'homme, dont TOUS les articles sans exception sont bafoués par le socialisme. Il ne peut pas ne pas les bafouer - telle est la nature de cette idéologie ayant rejeté à la fois la morale ("bourgeoise") des Dix commandements, la liberté de conscience ("religieuse"), le principe ("privé") de responsabilité et d'initiative personnelles. En un mot, le socialisme transforme l'homme en fourmi. Pire, en fourmi emprisonnée dans la fourmilière.
Certes, nulle part les Juifs n'étaient les seuls grains de sable, gênant la Machine collectiviste à broyer les personnes en une masse informe, mais il était plus facile de venir à bout des Juifs, plus facile d'en faire des boucs émissaires et de diriger sur eux la haine de la foule, en raison de l'antisémitisme millénaire, bien enraciné, d'origine religieuse. C'est pour cela qu'ils ont été choisis par Marx et par Hitler comme le symbole de l'Ennemi, comme la principale cible de la haine, le Coupable idéal, figure centrale et point d'appui du discours de renversement de la société bourgeoise. Là gît la particularité de la situation des Juifs, bien que leur problème principal n'est pas celui de leur droit particulier, mais le problème universel des Droits de l'homme, dont le cas particulier est le droit à la singularité et à la souveraineté.
Les décisions du Concile Vatican II corrigent une injustice presque bimillénaire, ferment le long et inique procès des Eglises puissantes et des Etats forts contre un petit peuple désarmé, dispersé, sans défense. Réhabilitation tardive... Pour les péchés imaginaires d'une poignée de Juifs au début de notre ère, l'anathème pesait sur une centaine de générations du peuple juif... On ne se limitait pas à maudire les Juifs. Depuis des siècles, on les frappait, spoliait, expulsait, égorgeait, brûlait vifs, livrait en esclavage, les convertissait de force, les harcelait de fausses accusations. Les pogroms blancs-russes, le génocide national-socialiste (6 millions de crucifiés...), l'antisémitisme rouge et toutes les judophobies du 20e siècle mi-athée sont des conséquences de cette antique et fausse inculpation. Si les Juifs n'ont été pas totalement exterminés, c'est uniquement parce que leurs persécuteurs eux-mêmes avaient des doutes dans le bien-fondé de leur haine. Il y avait des périodes où l'Eglise, faisant appel aux sentiments chrétiens, défendait les Juifs de la rage de la populace. Il n'était pas rare de voir les pouvoirs laïcs supplier les Juifs expulsés de retourner au pays, se rendant compte qu'ils n'étaient pas une émanation de l'enfer, mais un élément vivifiant de la vie intellectuelle et économique (Montesquieu écrit, dans le ch.60 des Lettres persanes: "On s'est mal trouvé, en Espagne, de les avoir chassés"). Assez souvent entre les Juifs et la population autochtone s'établissaient des relations harmonieuses, qui résistaient aux pires attaques de l'antisémitisme. Mais dans l'ensemble, l'Histoire des Juifs est une Histoire tragique, celle d'un faux procès ininterrompu, de souffrances sans fin, d'une immense injustice, de centaines de millions d'Affaires Dreyfus, Beylis, endurées par chaque Juif depuis 16 siècles, Histoire d'une horrible, insultante ingratitude du Fils-christianisme envers son Père-judaïsme. Oui, chaque Juif est un Dreyfus accusé et jamais réhabilité, chaque Juif est un Kafka qui est entraîné dès son berceau dans un Procès absurde et vit constamment sous une inculpation, dont le sens échappe à tout entendement normal.
Le cauchemar se termine, mais il n'est pas encore terminé. Les peuples chrétiens restent victimes de l'empoisonnement grave et durable des esprits par la liturgie de la haine qui, pendant des siècles, tous les vendredis saints et à maintes autres occasions enfonçait dans les têtes cette malédiction: "Juifs perfides, juifs perfides!". L'adjectif provient d'une haineuse traduction dans toutes les langues du mot en vieux latin per-fidis signifiant non-croyants ou incrédules. Incrédules, les Juifs? Ce mot est aussi une injure envers le peuple le plus religieux, le peuple de Dieu, le peuple-messager fidèle, le peuple qui a engendré le christianisme et a transmis la foi à maints peuples païens et incrédules. Même la foi en Christ vient d'abord des Juifs. Dans le meilleur des cas, on peut considérer comme un malentendu cette tradition séculaire de prier chaque vendredi saint "pour les Juifs", plus précisément pour que cesse "l'aveuglement de ce peuple" ! Le PEUPLE tout entier! A notre époque, où de plus en plus de goyim deviennent carrément athées, il est piquant de reprocher aux Juifs, croyants en un Dieu unique pour tout le monde, de ne pas être tous convertis à la foi en Christ, Dieu des chrétiens seuls... L'offense suprême était la suppression, depuis onze siècles et jusqu'en 1955, d'une génuflexion au moment de cette seule prière parmi une séries d'autres consacrées au salut des païens, infidèles, hérétiques, etc... Ce geste d'humilité s'appliquait aux pires pécheurs, mais la nuque restait raide dans une posture raciste, quand on parlait du peuple juif, tous les Juifs en vrac, bons ou mauvais, perfides ou loyaux, croyants, athées, et même les convertis, mais n'ayant pas répudié leur peuple (comme, par exemple, le cardinal Lustiger, archevêque de Paris)... Prêcher la haine des Juifs et déplorer leur "aveuglement", parce que leur majorité refusait de se convertir à la foi chrétienne, elle-même aveuglée depuis 16 siècles par cette haine meurtrière, n'est-ce pas le comble de l'inconséquence et de l'incohérence? Qui était plus aveugle pendant tous ces siècles? - la Synagogue, fidèle à la Bible et n'ayant aucun tort particulier à se reprocher, ou l'Eglise, qui avoue de nos jours une longue série de péchés graves - infidélité aux enseignements de la Bible, crimes, complicité de crimes ou indifférence aux crimes? Sur l'initiative noble et courageuse des derniers papes, surtout de Jean-Paul II, l'Eglise s'apprête à prononcer près d'une centaine d'officiels mea culpa - sur l'inquisition (près d'un million de victimes, brûlés vifs: hérétiques, juifs, "sorcières"), les croisades, la colonisation, le soutient aux dictatures, la persécution des scientifiques, protestants et autre "infidèles", le massacre des indiens, la traite des noirs, l'oppression des femmes, etc. Les Juifs "perfides", inventeurs de l'art de pardonner et de demander pardon, attendent aussi de l'Eglise la demande de pardon. C'est l'historien français et grand humaniste juif Jules Isaac qui avait convaincu le pape Pie XII d'éliminer le mot injurieux et de rétablir la génuflexion. Les livres perspicaces, clairs, bien documentés d'Isaac ont fortement contribué à changer l'attitude perfide du Vatican envers le judaïsme en une bienveillance qui devient sincère et qui seule pourrait rapprocher les deux religions vénérant le même Père et la même Torah (il est vrai que chez les juifs, le Père n'est pas la deuxième composante de Dieu, mais seulement l'un des noms de l'unique et indivisible Esprit saint).
La désintoxication des esprits du poison antisémite sera longue, puisque le mal est fait, et l'antisémitisme d'origine chrétienne a pris des formes multiples, en se fabriquant des masques modernes, - économiques, politiques, pseudo-scientifiques. Beaucoup de chrétiens ne connaissent même pas les décisions de Vatican II sur la réhabilitation du peuple juif, décisions prises il y a plus d'un tiers de siècle. Combien d'hommes se souviennent de la visite du pape Jean-Paul II dans la synagogue de Rome le 13 avril 1986? Pour la première fois dans l'Histoire, un pape est entré dans une synagogue, pour la première fois il a pu constater de ses propres yeux, que ce n'était pas un repaire du diable, que l'on y prie selon presque la même antique Bible qui sert aux prières dans les églises (seules les Annexes se distinguent), et qu'à l'endroit le plus visible y est suspendue une double plaque de pierre sous forme d'un livre ouvert - la même qui est suspendue dans les églises: les Tables de la Loi, avec les Dix commandements, gravés en hébreu, ceux mêmes que doivent respecter les chrétiens et les musulmans du monde entier et qui sont devenus la fondation de la civilisation. En ce jour, le pape Jean-Paul II priait dans la synagogue et, en appelant le peuple de la Bible le "frère aîné, le plus aimé" de l'Eglise, il a déploré (mais pas encore demandé pardon au peuple de la Bible pour) les deux millénaires de persécutions. Quatre jours avant cette visite, le pape a déclaré dans une conversation avec les journalistes: "Le peuple juif continue à porter en lui les signes de l'élection, celle d'Abraham et de sa descendance appelée à témoigner parmi les hommes du seul et vrai Dieu". Dans son discours du 31 octobre 1997, le pape a confirmé: "Ce peuple persévère envers et contre tout du fait qu'il est le peuple de l'Alliance et que, malgré les infidélités des hommes, Yahvé est fidèle à son Alliance".
Deux mille ans d'injustice, d'injures!.. Après 4 siècles de judophobie sélective, c'est pendant 16 siècles que l'Eglise a traîné dans la boue TOUT le peuple, élu par Dieu! Aucun peuple au monde n'a subi un outrage aussi horrible, aussi injuste et aussi longtemps! Les prisonniers du goulag attendaient leur réhabilitation dix, vingt, cinquante ans. Trop longtemps! Même une journée d'injustice est une éternité! Il a fallu passer par cette terrible conséquence moderne de l'antique injustice, ayant engendré la haine - par la crucifixion inhumaine au 20e siècle non pas d'un Dieu immortel, mais du peuple juif bien terrestre, et attendre encore un quart de siècle de réflexion pour qu'enfin, au sommet de l'Eglise catholique, on puisse comprendre et admettre cette Erreur, vieille de vingt siècles, cette Trahison par le monde chrétien de l'esprit même de l'enseignement du Christ, Juif de Nazareth.
Est-ce que l'Eglise orthodoxe a procédé à une telle révision de la vieille accusation contre les Juifs, monstrueuse rien que par son caractère collectif et intemporel? Nous n'avons entendu aucun son d'une telle révision... Pourtant, elle devrait être tonitruante, à la mesure de cette gigantesque, millénaire injustice envers ce peuple triplement élu. Elu par Dieu (les non-croyants diraient: par l'Histoire) pour le rôle de messager de Sa parole (ou le rôle d'inventeur d'une Grande idée). Elu la deuxième fois, en la personne du Juif Jésus, pour la Crucifixion mystique au nom de la Rédemption de l'Humanité. Et de nouveau, 19 siècles après, le peuple juif est "élu" par la lie totalitaire de l'Humanité comme bouc émissaire. Elu pour subir, sur les terres chrétiennes, la Shoah (anéantissement ou désastre, en hébreu), le massacre de six millions de ses innocentes, victimes non-ressuscitables du judéocide, de cette laïque Deuxième Crucifixion, dont le monde commence à peine à percevoir la signification atroce, indicible, singulière. D'autres génocides entachent l'Histoire humaine, mais ils étaient nés des rivalités ou d'une peur qui avait au moins une ombre de réalité: crainte de sécession territoriale, d'une scission religieuse, phobie d'une population à la culture incompatible, au comportement asocial ou criminel, etc. Rien de cela dans les causes de la Shoah, massacre d'un peuple innocent, de gens bien intégrés, attachés à la morale millénaire, généralement admise (et apportée par ce peuple!..) autant qu'à sa singularité religieuse qui ne menace personne. Pour la première fois, on exterminait un peuple pour une raison inavouée, absente dans l'acte d'accusation: tout simplement, il gênait la réalisation d'un projet totalitaire d'anéantissement de la personne humaine. Cette Crucifixion appelle à une nouvelle Rédemption les masses des hommes égarés dans les idéologies de la haine de race et de classe. Ne faudrait-il pas, pour l'aube du troisième millénaire après la nouvelle Crucifixion du Juif, recevoir du ciel un Troisième Testament? C'est le bon chrétien Jacques Maritain qui a vu juste, dès 1941: "Le grand fait mystérieux est que les souffrances d'Israël ont pris de plus en plus distinctement la forme de la croix".
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Ainsi, il devient possible de tirer une conclusion de fond sur le caractère distinct de l'antisémitisme dans le christianisme et dans le socialisme. Dans le cas du christianisme, l'antisémitisme contredit l'esprit même de ses enseignements, il est une Erreur, une Perversion, un Malentendu, engendrés, probablement par le désir d'écarter un concurrent "dangereux" (entre guillemets, puisque le judaïsme n'imposait jamais sa foi aux non-Juifs). L'Eglise pouvait choisir une quelconque attitude envers les Juifs dans l'espace compris entre ces deux attitudes extrêmes, également imméritées: soit étendre sur tout le peuple juif et à jamais une haine féroce pour le déicide imaginaire, soit leur faire bénéficier de l'amour infini, bien réel chez les chrétiens pour leur Dieu le Christ, incarné par le Juif Jésus. L'Eglise avait choisi, pour 16 siècles, la pire de toutes les variantes, la plus inhumaine, la moins chrétienne, - une Trahison des deux prophètes de l'Amour, Moïse et Jésus.
Dans le cas du socialisme, l'antisémitisme est une conséquence de la nature nivellatrice de cette idéologie, de son caractère athée, matérialiste, monolithique, et de son principe cardinal - le collectivisme. Car ce principe exige la fabrication de l'homo novus docile, et mène donc à l'anéantissement de la personne, à l'effacement de toute singularité, de toutes les distinctions et "inégalités". Oui, sur un point Marx avait raison: socialisme et judaïté sont incompatibles, inconciliables. Non pas parce que le Juif est un "trafiquant", mais parce que le socialisme est un super-despote, le royaume des "idoles", ne supportant aucune déviation de pensée, aucune indépendance, aucun pluralisme, aucun choix, donc aucune liberté. Le projet de liquidation des Juifs n'est qu'un incontournable chapitre du projet de "fusion" par la violence des propriétés et des peuples, de rasage des bornes, frontières, langues, cultures, religions dans le but d'établir la domination mondiale d'une classe "élue", d'un parti unique, d'une race ou d'une idéologie "supérieure". A une telle fin s'opposent radicalement les principes de liberté, de dignité et de responsabilité individuelles, ainsi que le Dixième commandement, interdisant de convoiter les biens d'autrui, - principes issus de la Torah juive, repris dans la Déclaration des Droits de l'homme de 1789 et devenus les fondements de la civilisation, les bases de la démocratie.
Le judaïsme est de ce fait foncièrement antisocialiste, antinazi. Et puisqu'il porte en lui les principales valeurs de la civilisation judéo-chrétienne (on peut dire que l'un et l'autre ont un "code génétique" semblable), il devient clair, que l'attitude envers la question juive ressemble à l'attitude envers ces valeurs. Voilà pourquoi la question juive ne concerne pas seulement les Juifs. L'analyse de ce problème nous a aidé à comprendre la nature du socialisme, ses buts, moyens et actes. L'anéantissement ou l'éviction des Juifs était prévu dans le processus d'asservissement des peuples comme ouverture dans la variante national-socialiste, et comme prélude au dernier acte de la construction du communisme. Car par nature, ce sont deux projets apparentés de l'étouffement total de la liberté dans le but d'asphyxier la personne humaine. La question juive, c'est la question de la Liberté de la personne humaine, de sa responsabilité. De la réponse apportée à cette question dépend, si dans le monde régnera le mensonge ou la vérité. En dépend également, si les Droits de l'homme et des peuples seront respectés ou si prédominera l'arbitraire. Chaque homme sera-t-il en toute justice apprécié selon ses mérites, ses défauts, ses actes personnels, ou se posera-t-il sur tous le joug de la discrimination selon des critères collectifs - de classe, de race, de nation, de religion? Chaque homme et chaque peuple pourra-t-il choisir librement sa voie, sa religion, son mode de vie, ou bien la société sera-t-elle une caserne, une prison, un camp de concentration pour les hommes et les peuples? Aujourd'hui le lien semble évident: un pays, une idéologie, un parti persécutant les Juifs est mortel pour la Liberté. Là ou les Juifs sont libres et égaux en droits, où rien ne menace leur vie, leur religion, leur particularité, là tous les peuples, toutes les minorités et religions sont libres et égaux en droits. Quand la Liberté est menacée - la menace pèse sur les Juifs. Quand les Juifs sont menacés - la menace pèse sur la Liberté. Quand la Liberté fait peur aux réactionnaires, ils vocifèrent: "Mort aux Juifs!". Littéralement! Après la révolution de 1905 en Russie, quand le tsar effaré a engagé enfin la démocratisation, les "cent-noirs" avaient déclenché une vague de pogroms. Aux cris de: "A bas la Constitution et les Juifs!", ils ont battu à mort 3000 Juifs et en ont blessé 10.000. Un raidissement de l'attitude envers les Juifs peut servir de mesure de l'étendue d'une menace pour toute la société, de signal d'alarme. Quand au 11e siècle avaient commencé les persécutions des Juifs, aussitôt était apparue l'Inquisition. Et elle disparut seulement au 18e siècle, quand dans cet attitude avait débuté un dégel. Déjà en 1925, il était facile de prévoir les guerres, les atrocités nazies et Auschwitz, en ne lisant dans Mein Kampf de Hitler que les extraits antisémites. Dès 1843, en lisant seulement l'article de Marx La question juive, on pouvait deviner, que le marxisme mènerait vers une Inquisition rouge, à la misère et aux camps de Kolyma. Le doute n'est plus possible: programmée par Hitler et Marx, la libération du monde de la judaïté signifie la "libération" de l'Humanité de sa Liberté. Ont abouti au désastre les deux nations - allemande et russe - qui avaient incarné ce programme dément, criminel, visant à leur octroyer le titre de "peuple élu", messianique, conduisant l'Humanité vers un "ordre nouveau" collectiviste, où sera forgé un "homme nouveau", épuré des valeurs individualistes "juives". Le mot russe Tshistka (épuration ou purge) pourrait exprimer la nature particulière et le but commun des deux systèmes concentrationnaires, inédits dans l'Histoire, ceux du Stalag et du Goulag, symbolisés par Auschwitz et Kolyma. A une différence près: le système national-socialiste, outre la Tshistka politique (liquidation des opposants, des résistants, des insoumis réels et potentiels), sans distinction de nationalité dans sa zone de contrôle, a procédé à la Tshistka raciale, au judéocide effectif, tandis que le système socialiste, étant occupé par sa gigantesque Tshistka politique, n'avait pas eu le temps de passer à la phase finale du plan de la Tshistka raciale. Néanmoins les deux variantes de ce Crime contre l'humanité sont les filles du même Monstre du 20e siècle: de la collectivisation de l'homme sous la botte de l'Etat. En cela, les victimes de la Shoah et ceux de la terreur totalitaire politique sont frères et soeurs, en dépit des prétextes différents de leur mise à mort. Car si les prétextes étaient différents, la raison en était la même: le criminel désir d'anéantir la personne humaine libre.
Ainsi, on peut comprendre, qu'en examinant les sources du problème de la haine envers les Juifs, nous ne nous sommes pas écartés du thème principal, au contraire, nous avons fait un pas important dans l'analyse de la nature et de la fausseté du socialisme, comme de sa variante socialo-fasciste. Nous savons maintenant, que ce sont deux incarnations du principe d'asservissement de la personne par l'Etat et du broyage de toutes les minorités, oppositions et peuples colonisés, pour en faire une seule masse amorphe. A ce principe s'oppose celui de la personne indépendante. Continuons l'étude de leur confrontation par la comparaison des idées de Franck et de Marx, représentant à l'état pur ces deux principes inconciliables.